C'est au début des années 1950 qu'Alain Rey trouve sa vocation en prenant part au projet titanesque de Paul Robert. Ce dernier souhaitait recréer un dictionnaire de la langue vivante sur le modèle du Littré (dont la dernière édition remontait à 1877), qui s'attache à expliquer les mots du monde contemporain. Pour cela, tous les domaines de la culture sont convoqués, à travers « l'observation des textes, l'observation de l'usage réel » des mots.
Pour Alain Rey, il s'agit en effet d'appréhender les différents usages de la langue, non seulement ceux employés à l'écrit, mais aussi les expressions de l'oralité : « Voilà un dictionnaire qui s'est construit par observation minutieuse et évidemment extrêmement lente de milliers de textes littéraires, en priorité, mais on a essayé d'ouvrir [...] au non littéraire, quand on considérait qu'il était convenablement formulé, et pas seulement écrit d'ailleurs, puisque nous avons des citations qui viennent aussi bien de la presse que de la radio ou de la télévision. »
Dans cet entretien stimulant avec Bernard Pivot, Alain Rey explique également à quel point le travail de lexicographe peut être différent des idées reçues.
A la manière d'un écrivain, le rédacteur d'un dictionnaire se doit aussi d'être « imaginatif » en opérant une sélection des mots toute subjective : « Nous sommes perpétuellement en guerre contre cette invasion extravagante du vocabulaire que nous sommes obligés de maîtriser en faisant un certain nombre de choix.»
Finalement, le travail du lexicographe, tout comme celle du romancier, doit s'adresser à un certain type de public dans le choix des mots qu'il va retenir. Et l'imagination du lexicographe est ainsi convoquée « lorsqu'il s'agit de réagir à ce stress extraordinaire qu'est la documentation. »
Le Petit Robert, dont la première édition remonte à 1967, valut à l'équipe d'Alain Rey « deux ans et demi d'un travail de forçat ». Un travail colossal qu'il juge cependant bien modique au regard de l'énormité de l'oeuvre et qui doit beaucoup au travail de défrichage qu'avait déjà effectué Le Grand Robert, dont la rédaction aura quant à elle nécessité, « à Paul Robert d'abord seul et puis à toute l'équipe, un travail de 25 ans ».
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