La Russie a confirmé mardi 16 novembre avoir effectué un tir sur l'un de ses vieux satellites en orbite, tout en assurant qu'il n'y avait eu aucun risque pour la station spatiale internationale malgré les nombreux débris générés par l'explosion. La veille, l'armée américaine avait accusé la Russie et qualifié ce tir de "dangereux et irresponsable". En effet, cette destruction aurait mis en danger la vie des astronautes de l'ISS après avoir généré "plus de 1500 débris orbitaux traçables", selon le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. Cet incident a obligé les sept astronautes à se préparer à une éventuelle évacuation d'urgence et à s'abriter dans leurs modules de retour.
Ce type de débris spatiaux, de plus en plus nombreux, deviennent de dangereux projectiles capable de heurter d'autres satellites en orbite, voire de compromettre des vols habités. Mais ces épaves incontrôlables peuvent aussi provoquer de graves dégâts en retombant sur terre. Dans la plupart des cas, les déchets spatiaux brûlent en rentrant dans l'atmosphère terrestre. Oui mais pas toujours. Certaines épaves parviennent à passer ce bouclier naturel, comme ce fut le cas en 1978.
Et comme aujourd'hui, l'URSS, responsable de cet incident, s'était retrouvée au centre d'une polémique internationale. L'archive en tête d'article nous relate cette affaire. Tout commence le 18 septembre 1977. Le satellite Cosmos 954, un satellite espion russe est lancé le depuis le cosmodrome de Baïkonour. Le 6 janvier 1978, son système de stabilisation d'altitude tombe en panne, les Soviétiques décident de le détruire en trois morceaux pour récupérer une partie du satellite contenant des informations, et laisser le reste en orbite. Mais les Américains, qui surveillent sa trajectoire, s'aperçoivent que tout va retomber sur terre. Ils en informent les Soviétiques qui se voient obligés de dévoiler que le Cosmos 954 est équipé d'un générateur atomique qui ne se détruira pas lors de l'entrée dans l'atmosphère terrestre.
Des débris nucléaires au Canada
Les restes du satellite tombent donc au Canada, suscitant une vive polémique. Pierre Elliott Trudeau, alors premier ministre, reproche aux Etats-Unis de ne pas l'avoir tenu informé en amont du crash, tandis que la population critique son dirigeant de ne pas les avoir avertis à son tour. Comme l'explique Michel Chevalet dans ce sujet, la destruction d'un satellite en orbite était une manœuvre courante à l'époque mais cette fois-ci, le réacteur nucléaire qui devait normalement rester à 800 km d'altitude et tourner "autour de la terre pendant 400 ans" était tombé avec le reste au-dessus de la région désertique de Yellowknife au Canada.
Michel Chevalet explique que les Cosmos soviétiques fonctionnent soit avec des panneaux solaires, soit avec une batterie nucléaire. C'est ce modèle qui est tombé sur terre. Au moment où Michel Chevalet expose les faits, on ne sait pas encore où sont tombés les débris radioactifs. Le NORAD, le service américain chargé de pister les satellites et les paves en orbites, les recherchait activement.
L'opération de recherche sera lancée dès le 24 janvier, et des mesures de radioactivité seront effectuées à Yellowknife pour trouver des "traces de radioactivité et de quelques morceaux de satellites qui se seraient égarés dans la nature". De nombreux débris radioactifs seront découverts durant les six mois que dureront les opérations.
Finalement, l'accident provoquera la dispersion du combustible radioactif sur une zone allant du Grand Lac des Esclaves à Baker Lake. En 1981, l'Union soviétique passera un accord de dédommagement avec le Canada en compensation de la chute des matériels radioactifs et du coût des recherches.
Cosmos 1900 menace la France
Dix ans plus tard, en 1988, on comptabilisera plus de 6500 débris dérivant en orbite. Parmi ceux-ci, certains - une trentaine - comportent un réacteur nucléaire, dont le Cosmos 1900, un satellite de reconnaissance maritime soviétique lui aussi tombé en panne. Il va défrayer la chronique, cette fois, en France avec l'annonce de sa chute possible sur l'hexagone. Même si la probabilité restait peu élevée, il fallait parer à toute éventualité, car comme son prédécesseur de 1978, il possédait un réacteur atomique contenant "50 kilos d'uranium". "Le réacteur risque de rester dangereusement radioactif jusqu'à l'impact", redoutaient les spécialistes du CNES.
Pour savoir où il allait tomber, Soviétiques et Européens avaient mis en commun leurs observations et leurs calculs. La cellule de crise du CNES surveillait l'évolution de la trajectoire du satellite 24 heures sur 24. Aucune zone du territoire français n'était à l'abri mais Jean-Claude Caroff, orbitographe, assurait qu'on pourrait déclencher une alerte "24 heures à l'avance mais avec une imprécision d'une heure ou deux". Les probabilités indiquaient qu'il y avait une chance sur 1000 pour qu'il touche la France.
Finalement, le satellite espion soviétique Cosmos 1900 s'abîmera au sud de l'océan Indien le 1er octobre sans qu'aucun de ses débris ne tombe sur une zone habitée.
Cosmos en perdition
1988 - 02:40 - vidéo
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