L'ACTU.
Les femmes pourront désormais se baigner torse nu dans les piscines de Berlin. « La natation torse nu sera possible à l'avenir pour les personnes de sexe féminin ou pour les personnes dont la poitrine est de type féminin », a annoncé la direction des piscines berlinoises début mars 2023. Son règlement doit ainsi s'appliquer « de manière à respecter l'égalité des sexes » détaille-t-elle dans un communiqué. Cette autorisation fait suite à la saisine du bureau berlinois de lutte contre les discriminations par une femme qui s'estimait discriminée. Les hommes, eux, ont, en effet, le droit de se baigner torse nu.
LES ARCHIVES.
« Bonjour, les murs de nos villes sont littéralement recouverts d'affiches représentant des femmes, et même parfois des hommes nus, (...) enfin sur les plages et dans certaines piscines parisiennes, le soutien-gorge pour les femmes a pris quelque chose de désuet, de superflu, parfois de ridicule », entamait Jacqueline Vauclair, journaliste pour « Aujourd'hui madame » en 1974.
À noter toutefois que si l'époque était à la libération des corps, le débat sur les différences sexuelles était encore figé dans son temps, comme le dénote le propos de Jacqueline Vauclair, évoquant des librairies, des kiosques ou des sex shop «remplis de livres sur la sexualité normale, l'homosexualité ou la nudité».
Pour une émission, dont l'archive en tête d'article est extraite, consacrée à la pudeur, le magazine se rendait donc dans une piscine parisienne où la pratique du topless était tolérée.
En extérieur, alors que le soleil brillait, la journaliste interrogeait des femmes avec le torse nu. L'une d'elle trouvait l'ambiance de la piscine « très décontractée » et disait apprécier énormément la liberté qui y était laissée aux femmes de ne pas porter de soutien-gorge. « Il y a des personnes qui, naturellement, sont contre. Moi, je suis pour. Pourquoi pas ? (...) On est tous fait pareils, alors ! »
« Ça a commencé l'année dernière cette histoire-là »
Dans les années 1970, la mode était aux seins nus pour les femmes. « Comment ça se passait il y a une dizaine d'années ? » demandait la reporter à une des employées. « Ça se passait comme ça se passe aujourd'hui. » Étonnée, la journaliste poursuivait : « Déjà à l'époque, les femmes pouvait retirer leur soutien-gorge ? ». Retour en arrière : « Ah non, non, non. Il n'en était pas question. D'ailleurs, elles n'y pensaient mêmes pas. Non, non, non ! Elles n'y pensaient même pas ! Non, non, non. Ça a commencé l'année dernière cette histoire-là. »
Ne pas porter de soutien-gorge à la piscine n'allait pas à l'encontre de la pudeur, disait une baigneuse : « Ça ne disparaît pas, on peut quand même avoir un peu de pudeur. Mais porter un haut de maillot, je ne pense pas que ce soit vraiment très important. » Elle ne tenait pas à un haut de maillot de bain, concluait-elle avec la journaliste. Dans cette piscine parisienne, ajoutait la jeune femme, « les gens ne font pas attention, en fait. J'aime bien profiter du soleil au maximum, c'est très agréable. »
Un passant renchérissait : « Moi, je pense que le vêtement ça n'a de sens que pour se protéger du froid. À partir du moment où c'est pour se cacher, cela fait remarquer justement ce que l'on cache. C'est une espèce d'hypocrisie ou une pudeur qui est un peu en trop. Donc, non, moi ça ne me choque pas du tout. » Et d'ajouter : « La pudeur, c'est vouloir cacher un certain nombre de choses de son corps ou de ses actes que la culture, ou l'éducation, nous a appris. »
« Je pense que notre génération va vers la catastrophe »
Pour autant, la pratique était interdite, contrairement aux dires des nageuses, comme le précisait l'employée de piscine : « Ah oui, mais taratata, elles inventent ! Là, elles brodent. Il n'est pas autorisé de quitter le soutien-gorge. Au contraire, on leur a fait la chasse ! Seulement, dès qu'on tourne le dos, elles l'enlèvent ! Alors, on ne peut pas quand même mettre quelqu'un toute la journée à guetter si elles enlèvent le soutien-gorge, ce n'est pas possible ! C'est une petite tolérance, disons, dans un petit coin et puis c'est tout. Mais, enfin, non ! » Une ou deux personnes étaient venues faire des réclamations à ce sujet, mais « dans l'ensemble, non, ils ont l'air plutôt satisfaits ».
« C'est pour ça qu'il y a tant de monde, ici, qui regarde », disait une passante, choquée de la pratique. « Si elles veulent se baigner, elles peuvent ailler dans une salle de bain et se baigner toute nue, comme elles veulent (...) Ce n'est pas osé, c'est du toupet, je trouve », ajoutait-elle. Et de conclure : « Qu'est-ce qui va tenir le monde en place, si tout est permis ? » La fin du monde pour un haut de maillot de bain ? Un homme confirmait : « Je pense que notre génération va vers la catastrophe ». Un second rapportait la pratique à l'estime qu'il avait des femmes, dans un propos très direct : « Je vous respecterai mieux étant tout de même habillée que si je vous voyais nue ». Le torse nu pour tous était loin d'être accepté.
