En octobre 1969, le journal télévisé local se rend sur le tournage du film. Ce jour-là, l'équipe tourne sur un piton rocheux. Claude Chabrol, metteur en scène et scénariste du film, a choisi Trémolat et sa région car il voulait des grottes et le journaliste souligne que le réalisateur a aussi choisi la région pour sa gastronomie "parce qu'il a un faible pour la bonne chair qui est l'un des attraits majeurs de Périgord."
Le reportage montre le tournage de l'une des dernières scènes du film où Stéphane Audran monte une falaise de 80 mètres au-dessus de la rivière avec un petit garçon. Arrivées en haut, "ils découvrent le cadavre d'une jeune fille poignardée, abandonnée au bord du précipice."
Le synopsis du film
"Le boucher est un film policier dont les acteurs principaux sont Jean Yanne et Stéphane Audran et surtout un couteau qu'il y a entre deux. Le boucher est joué par Jean Yanne, un rôle inhabituel pour lui qui incarne ici un rescapé des guerres d'Indochine et d'Algérie, pour le moins singulier mais sympathique…"
L'intrigue est simple : une institutrice, Hélène (Stéphane Audran ) est courtisée par un boucher (Jean Yanne), pour qui elle éprouve une simple sympathie malgré la cour assidue qu'il lui fait. Bientôt des meurtres au couteau sont commis dans la région et peu à peu Hélène va commencer à soupçonner son ami "Popaul".
Un village réquisitionné !
Toute l'équipe du film séjourne plusieurs semaines dans le village de Trémolat, en Périgord, pour le plus grand plaisir de monsieur le maire et de ses habitants, utilisés pour la figuration.
Les scènes d'intérieur et d'extérieur sont tournées sur place. Le maire explique comment le cinéaste est entré en contact avec lui et l'instituteur du village reconnait que c'est "une leçon de choses… J'ai vu le travail délicat, extrêmement précis qu'il faut faire pour tourner un film. Je n'aurais jamais cru que c'était aussi difficile, qu'il fallait autant de persévérance pour donner des images qui courent sur un écran."
Le maire raconte ensuite que l'équipe a été séduite par le cadre naturel et le décor de Trémolat. Le temps du tournage, la salle du conseil municipal s'est transformée en appartement. Pour l'anecdote, l’édile raconte que la dernière séance du conseil municipal a dû se tenir dans le décor de l'appartement et que le samedi suivant, il est même prévu d'y célébrer un mariage. Nous découvrons ensuite des images du tournage dans ce décor.
La référence à la préhistoire...
Claude Chabrol indique qu'il avait besoin de la référence à la préhistoire et à Cro-Magnon pour son film et que le choix de la région collait à ce besoin : "car j'identifie légèrement le boucher à un être humain un peu primitif." Quant à Trémolat, il répondait à tous les impératifs topographiques qu'il avait imaginés dans son scénario.
Jean Yanne évoque ensuite son personnage qui est boucher de père en fils. Puis Stéphane Audran et lui décrivent la relation bizarre qui s'instaure entre le boucher et l'institutrice, leurs personnages respectifs.
Elle ajoute : "C'est assez dur pour moi car il faut que je fasse attention à toutes les scènes, à ne pas aller en dehors du personnage… si les gens ne croient pas que je suis une institutrice, c'est foutu !"
L'instituteur confirme pourtant qu'elle campe une bonne institutrice car elle lui rappelle une de ses anciennes collègues...
Les deux comédiens ajoutent que les rapports avec les habitants sont formidables et Jean Yanne confirme : "le film est fait avec tout le pays, alors il n'y a pas pas de curieux, il n'y a pas de spectateurs, il n'y a pas de gens qui viennent surveiller les prises. Comme ils sont acteurs, quand ils ont finis de tourner, ils font comme nous, ils rentrent chez eux. Ils retournent dans leur loge. Ils attendent que ce soit leur tour de revenir."
Pas de bon tournage sans bon repas
Un point crucial du tournage, surtout pour Claude Chabrol, ce sont les repas. Nous découvrons l'équipe au restaurant. La restauratrice explique que Chabrol s'adapte très bien et n'est pas exigeant : "il n'est pas fier du tout…"
A table, le cinéaste disserte sur les qualités de l'écrevisse périgourdine… Jean Yanne révèle avec humour qu'ils sont invités chez les gens tous les jours pour déjeuner et dîner mais qu'il doit se restreindre : "et comme il y a quelques bons vins dans la région, il faut faire attention aux agapes, parce que le matin à 8h00, il faut qu'on ait la tête fraîche pour commencer les scènes suivantes."
"Je trouve assez absurde qu'on n'utilise presque jamais les décors de la province française..."
Claude Chabrol confie ensuite qu'il n'aime pas tellement la vie de Paris et que comme tourner est pour lui un plaisir, il aime mieux tourner hors de Paris : "je trouve assez absurde qu'on n'utilise presque jamais les décors de la province française… je trouve intéressant de planter ses caméras dans des endroits qui sont un peu moins connus et qui sont tout aussi beaux… Cette Dordogne, c'est magnifique et ça a été très rarement exploité… en France tout est terriblement centralisé. Tout se passe à Paris… et c'est regrettable. S'il y avait des centres cinématographiques à Marseille ou à Bordeaux, ça permettrait de faire des films qui auraient des assises régionales bien plus intéressantes et bien plus profondes. Et comme les gens qui font des histoires vivent à Paris, ils n'envisagent pas des histoires qui se passent en province, c'est une espèce de cercle vicieux."
Trémolat : un village d'acteurs
Le reportage se termine sur la grande scène du mariage à laquelle tout le village est convié. Les villageois et les comédiens participent ensemble au banquet.
Pour aller plus loin
Tout le reportage du tournage. Cinéma en Périgord : tournage du film Le Boucher de Claude Chabrol (ORTF, Bordeaux, 4 avril 1970)
Florence Dartois