A l'époque, le directeur du théâtre de l'Odéon s'appelle Jean-Louis Barrault et le ministre de la Culture, André Malraux. A la mi-mai, les étudiants investissent ce haut lieu culturel déjà occupé par les artistes. C'est un théâtre très symbolique, financé par l'Etat, il se situe en plein cœur du quartier étudiant. Les ouvriers se joignent bientôt aux occupants. L'Odéon se transforme en une agora où les débats sur la création, le théâtre, la liberté d'expression se multiplient. Le 22 mai, les Actualités Françaises viennent prendre la température.
"La révolution devient culturelle"
"3000 étudiants et quelques comédiens occupent le théâtre de France. La révolution devient culturelle. Il s'agit de promouvoir une véritable culture populaire… Il s'agit d'en faire un véritable lieu de rencontre entre ouvriers, étudiants et artistes".
De fait, depuis plus d'une semaine, des groupes de réflexion s'organisent. Dans une ambiance révolutionnaire, chacun est appelé à s'exprimer, à proposer des idées nouvelles pour remplacer l'ancien système considéré comme obsolète. Dans la salle comble, un homme s'écrit, "la culture n'est pas libre actuellement !".
L'emprise de l'Etat sur la culture est désormais ressentie comme un carcan insupportable. Mais pour sortir du modèle jugé trop rigide, il faut commencer par s'organiser. Et les idées fusent.
"Il faut créer un comité !"
Le 17 mai 1968, le magazine Panorama s'était déjà rendu sur place pour assister aux débats très animés. Certains appelaient alors à ouvrir l'Odéon aux étudiants pour qu'ils puissent s'y exprimer, d'autres comme Françoise d'Eaubonne, à l'image, réclamaient la constitution d'un comité englobant toutes les bonnes volontés, "qui soit capable de regrouper les initiatives éparses et qu'il faut regrouper en faisceau pour leur donner vie".
Dans cette crise de la Covid-19, après des mois de fermeture des cinémas, des théâtres et autres lieux de culture, les artistes demandent leur réouverture bien-sûr et la possibilité de pouvoir travailler, mais également la protection des plus fragiles, à savoir des intermittents. Si le gouvernement a annoncé la prolongation de l'année blanche et le maintien de leurs droits, les occupants du théâtre réclament aussi le retrait de la réforme de l’assurance-chômage. Son vote au Parlement est prévu pour juillet. Au-delà de leur combat pour la culture, leur but pourraient, comme en 1968, fédérer d’autres luttes sociales.
L'occupation de l'Odéon "entendu" par la radio :
Inter actualités de 19H00 : Reportage sur l'occupation du théâtre de l'Odéon. Reportage de Pierre Janin au théâtre de l'Odéon : "A l'Odéon le spectacle est dans la salle, avec 3000 acteurs, ils discutent de tout". Interview d'un étudiant: l'attitude bienveillante de Jean-Louis Barrault; leurs revendications. Rapports entre cette occupation et les problèmes culturels. Interview de Jean-Louis Barrault dans son bureau : la cohabitation se passe normalement : "les gens s'expliquent et on écoute". Sa solidarité avec les étudiants pour leurs revendications concernant l'université. Ses contacts avec les services du Ministère des Affaires Culturelles qui ne veulent pas intervenir dans ce mouvement ("J'attends qu'ils m'appellent") (France Inter, 16 mai 1968)
A découvrir sur madelen :
Entre deux mai 1968-1981 : les artistes et la politique. Exploration des relations entre les artistes et le milieu politique entre Mai 1968 et l'élection de Mitterrand en 1981. Remise en question du pouvoir, des valeurs, mouvements libertaires, rejet des institutions, de l’ordre moral… Pascal Ory, Ariane Mnouchkine, Macha Méril, Romain Goupil, Jack Lang, Guy Bedos témoignent ! Politique spectacle… (0H51 — 13-12-2015 — Réal : Yves Riou/Philippe Pouchain)
Florence Dartois