«Certains d'entre vous ce sont demandés pourquoi ? Pourquoi nous avons mis un tel acharnement, une telle union pour arriver avec cette véhémence à vous convaincre à nous suivre. Et vous nous avez suivis parce qu'il y a un mot que nous ne voulons plus : C.A.N.C.E.R. Six lettres. Un mot épouvantable que nous voulons remplacer par un autre mot : E.S.P.O.I.R, six lettres. Il faut que l'espoir remplace ce mot et qu'il soit rayé de la langue française. Non seulement de la langue française mais de tous les pays…" C'est avec cette déclaration solennelle que Pierre Sabbagh, le célèbre animateur de télé, s'apprête en 1968 à dresser le bilan des quatre journées exceptionnelles de générosité que viennent de vivre les Français.
«L'Opération espoir", lancée par la Ligue contre le cancer est exceptionnelle à plus d'un titre. Avec quatre jours de programmes ininterrompus, l'objectif était de collecter suffisamment de fonds sur tout le territoire français pour financer l'embauche de 700 chercheurs en cancérologie. Pour cela, il fallait vendre le plus de messages d'espoir possible. Des messages symboliques, échangés contre une modique somme d'argent. La mobilisation se déroula du 15 au 18 décembre.
L'originalité de cette quête à échelle nationale a été sa couverture médiatique, à la fois télé et radio. Les antennes du secteur public ou privé ont été associées à cette opération caritative en fournissant des moyens humains et techniques, et du temps d'antenne pour la diffusion de ce challenge.
Des célébrités artistiques et sportives, transformées en VRP, ont été envoyées à travers le pays pour vendre les messages de l'espoir. Par bus, mais plus original, par avion ! C'est l'escadrille RTL qui a été chargée de les acheminer dans les principales grandes villes.
Quatre jours durant, des duplexes se sont enchaînés sans relâche. Les stars appelant les Français à plus de générosité se succèdaient à l'antenne. Certains intervenaient de loin, à l'image de Sammy Davis Jr. qui s'exprimait depuis Las Vegas. Il rappelait que le cancer atteint toutes les personnes sans discrimination et que tous devaient contribuer à faire avancer la recherche contre ce fléau.
En plateau à Paris, chaque chercheur financé était symbolisé par des ampoules qui s'allumaient sur un grand panneau.
Comme pour le Téléthon aujourd'hui, les programmes étaient ponctués de prestations d'artistes célèbres venus apporter leur soutien en musique, en chanson ou en déclaration à la ligue. Jacques Brel qui jouait alors au théâtre adressait ainsi quelques mots aux téléspectateurs.
Après quatre jours de mobilisation, le pari était gagné et toutes les ampoules du panneau étaient illuminées.
L'opération dépassera même toutes les espérances puisque les fonds promis sont suffisants pour financer 750 chercheurs ! Le professeur Lacassagne, responsable de la ligue, un peu débordé par ce succès inespéré, annonçait qu'il sera difficile de trouver un tel nombre de chercheurs en France mais que tous les dons seraient bien utilisés pour financer la recherche et la prévention du cancer.