Deux époques, deux regards. Sous la pression des réseaux sociaux, deux gérants d’un Super U situé près de Lyon ont dû démissionner après avoir posté des photos de leur trophée de chasse en Afrique. Mais il y a 50 ans, les mêmes images diffusées à la télé ne provoquaient pas le même émoi.
En 1966, dans l’émission de télévision Temps Présents consacrée au Cameroun, un touriste détaillait comment il avait abattu une panthère lors d’un safari. Exhibant fièrement son trophée, il racontait : « J’ai demandé au garde de se baisser et j’ai ajusté. Il tremblait comme moi d’ailleurs. J’ai loupé la panthère la première fois, je lui ai mis entre les pattes. […] Nous avons ensuite réajusté et j’ai placé ma balle qui est ressortie ici sous la patte avant. » Cette émission a été diffusée un samedi d’août 1966, à 16 heures. Elle était alors sponsorisée par la compagnie aérienne française UTA, et par la compagnie de fret maritime, Chargeurs réunis (pour ceux qui souhaitaient ramener leurs trophées ?).
Autre émission, en 1967 : dans Natures Mortes, le naturaliste et taxidermiste François Chapelain-Midy exhibait fièrement ses photographies de chasse et ses trophées ramenés de ses nombreux voyages. Il comparait même le safari à « quelque chose d’extraordinaire » : « La chasse au loin de la France, c’est ce qu’on appelle le safari. C’est un voyage en Afrique. Vous vivez quelques temps dans une atmosphère prodigieuse de vie sauvage. […] Vous êtes constamment en pleine nature et ce qui est merveilleux en Afrique, c’est que vous êtes entourés de toutes ces bêtes. Vous en avez partout autour de vous. […] J’adore photographier les animaux, c’est le côté amusant de la chasse. C’est ça qui est extraordinaire dans ce pays, c’est la densité prodigieuse des animaux qui se trouvent autour de vous. »
« Vous aimez les animaux mais vous les tuez ? »
Une pratique qui surprenait la journaliste Anne-Marie Dubois Dumée. Quand celle-ci demandait à François Chapelain-Midy s’il aimait tuer les animaux, il répondait : « Oui mais si je les tue, c’est en fait parce que je les aime. Je suis naturaliste et je leur redonne la vie. J’ai toujours aimé les animaux à force de les voir, observer, photographier. J’ai voulu essayer un jour de retrouver ce que je voyais. C’est là que j’ai essayé de leur redonner ce qu’ils étaient, la forme qu’ils avaient quand ils étaient vivants. »
La chasse et le braconnage ont entraîné un déclin important de la faune en Afrique au cours des dernières décennies. Des espèces comme l’éléphant d’Afrique, l’hirola ou le guépard sont menacées. Le rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest a été déclaré disparu en 2011.
Jérémie Gapin
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