Le 13 mai 1961, Guy Salignon accueille Isabelle Aubret, 23 ans, sur le plateau de "Nord Actualités télé". Le journaliste l'interroge sur sa toute jeune carrière débutée alors qu'elle avait 18 ans à peine. La jeune artiste un peu intimidée raconte ses quatre dernières années difficiles à Paris et en tournée. "Une jeune fille toute seule, c'est très dur" raconte-t-elle. Arrivée dans la capitale encore mineure [à l'époque la majorité est à 21 ans] elle n'a pas pu chanter dans les cabarets comme elle l'espérait alors. Il lui a fallu trouver un plan B, et en attendant sa majorité, elle a rejoint un groupe de musiciens et a tourné avec eux. Une manière de s'aguerrir sur la scène.
De retour à Paris, après quatre années de vaches maigres, elle explique avoir rejoint, à l'invitation de Jacques Canetti, un cours monté au Théâtre des Trois baudets. Là, elle est repérée par le directeur artistique de chez Philips. En 1961, elle est choisie pour représenter la France au concours de l'eurovision. Jacques Datin et Maurice Vidalin lui écrivent Le gars de n'importe où, publié en 45 tours, "Une chanson où il y a une ambiance où l'on se sent bien, où je me sens bien". Au journaliste, elle avoue timidement avoir déjà pensé à écrire ses propres chansons : "J'ai essayé mais je ne pense pas en être capable maintenant. Ça viendra peut-être, mais pas maintenant. Pour l'instant, je me contente d'être interprète". La chanteuse évoque ensuite la différence, d'après elle, entre l'interprétation sur disque et sur la scène, "le disque, c'est très dur car il faut accrocher le public seulement avec la voix, tandis qu'en scène, on a le physique pour aider".
Pour conclure l'interview, Isabelle Aubret revient sur ses origines Lilloises et son attachement à sa ville natale où vit encore sa famille et où elle a "une partie de son coeur". Puis, à la demande du journaliste, la jeune artiste interprète sa dernière chanson, Les mouettes.
Une graine de star...
Ce que ne sait pas encore la jeune chanteuse lors de cette interview, c'est que l'année suivante, en 1962, elle va se qualifier pour représenter la France à l'Eurovision. La chanson Un premier amour qu'elle interprète alors, est écrite par Rolland Valade et composée par Claude-Henri Vic. Le 18 mars 1962, à la Villa Louvigny de Luxembourg, elle représente donc la France avec et remporte le concours, offrant ainsi aux Français leur troisième victoire à la compétition, avec 26 points. C'est Jean-Claude Pascal, le vainqueur de l'édition précédente qui va lui remettre la médaille du Grand Prix.