Les deux hommes ne se sont encore jamais rencontrés. De Gaulle, qui a été prisonnier en Allemagne en 1916, est germanophone, et le chancelier Adenauer est francophile.
La rencontre est surtout motivée par les réalités géopolitiques des deux pays. En 1957, la France et l'Allemagne ont signé le traité de Rome établissant la Communauté européenne. De Gaulle souhaite renforcer les relations bilatérales avec l'Allemagne pour empêcher la construction d'une Europe supranationale. Ainsi, le couple franco-allemand qui se dessine dans la pensée du général de Gaulle doit permettre de construire une Europe sur la base des Nations où la France et l'Allemagne occuperont la première place.
Pour Konrad Adenauer, le rapprochement avec la France doit permettre à son pays de se dégager de la tutelle américaine, encore omniprésente. Mais le chancelier garde toujours à l'esprit de concilier les intérêts américains, contrairement au général de Gaulle, pour qui le cadre franco-allemand doit dépasser le "parapluie" américain et montrer le visage d'une nouvelle Europe, reconstruite et dynamique.
Un tête-à-tête au sommet qui préfigure le traité de l'Elysée en 1963 et la réussite du couple franco-allemand
Le choix de la résidence privée du couple de Gaulle à La Boisserie est aussi un calcul de la part du Président du conseil français (élu en Président en 1959). Une réunion en tête-à-tête, sans agenda de discussions, permet un dialogue ouvert entre les deux hommes et permet, en cas d'échec des négociations, de ne pas voir s'étaler dans la presse les motifs de désaccord.
La rencontre est un succès, et permet le rapprochement franco-allemand qui sera célébré en 1963 par le fameux traité de l'Elysée.
Une rencontre réussie, ternie néanmoins par un incident qui ravive les cicatrices de la guerre...
Néanmoins, la rencontre aura au moins été marquée par un incident. Nous savons aujourd'hui, par le témoignage de Philippe de Gaulle en 2004, fils du général, que deux membres du personnel de la famille, une Lorraine et une Alsacienne, ont refusé de servir le chancelier allemand, pour marquer leur mécontentement vis-à-vis d'un rapprochement franco-allemand jugé bien trop prématuré.