Situé au nord-est de Paris, dans la ville de Drancy, ce camp, installé en 1939, a été pendant trois ans le principal lieu d'internement avant vers les camps d'extermination nazis, principalement Auschwitz. Neuf Juifs déportés de France sur dix passèrent par ce camp.
Son triste rôle dans l'internement, débute avec la grande rafle parisienne qui se déroula entre le 20 au 24 août 1941. Lors de cette rafle, la police française collaborant avec la Feldgendarmerie allemande, arrête tous les hommes Juifs français et étrangers de 18 à 50 ans. 4 232 sont arrêtés et envoyés à Drancy, dans la cité de la Muette.
« Il y a même eu des convois où il n'y a eu que des enfants »
Monsieur Gouvet, président de l'amicale des anciens de Drancy, évoque les rafles du 20 août 1941 qui correspond à l'ouverture du camp de Drancy et la rafle du Vel'd'hiv du 22 juillet 1942 au cours de laquelle les femmes et les enfants ont à leur tour été arrêtés. Lors de la grande rafle du Vel d'hiv', commencée le 16 juillet 1942, la police française va arrêter près de 13 000 personnes. Les couples sans enfants et les célibataires sont amenés à Drancy.
Trente ans après, ce rescapé est toujours incapable de dire ce qui s'y est passé, mais ce qu'il parvient à décrire est inimaginable : « Ces murs s'ils pouvaient parler, vous parleraient d'une véritable apocalypse. Ces terrasses en béton résonnaient du corps des femmes et des enfants qui se jetaient du dernier étage pour se suicider. Tous les deux jours, inexorablement partiront des convois de mille personnes : enfants, femmes, vieillards, infirmes, aveugles. Tout part... Tout s'en va vers Auschwitz. C'est l'extermination qui est en route. » Son émotion est palpable. Il poursuit des sanglots dans la voix : « Et il y a même eu des convois où il n'y a eu que des enfants, séparés déjà au camp de leurs parents ».
Les conditions de vie sont atroces : sous-alimentation (une douzaine d'internés sont morts de faim entre août et novembre 1941), brutalités, sanctions arbitraires et humiliations sont légion. En janvier 1994, Charles Ghelbord témoigne. Il se remémore cette période de sa vie en regardant des photos retrouvées quelques jours auparavant. Il explique : «J'ai souffert de la police française et de l'administration française ».
Spéciale Auschwitz : Photos de Drancy
1995 - 02:46 - vidéo
Jusqu'en mars 1942, le camp sert uniquement de « réservoir » d'otages de représailles. À partir du tournant de l'Allemagne nazie vers la Solution finale, Drancy passe du statut de camp d'internement à celui de camp de transit. Il représente à ce moment-là la dernière marche avant la déportation vers les camps d'extermination. Le premier convoi de déportation entre Drancy et Auschwitz part le 27 mars 1942.
Au total, de 1942 à 1944, une soixantaine de convois de déportés juifs partiront de Drancy, surnommée dès lors d' « antichambre de la mort ».
« Il passait ses nuits à traquer quelques Juifs »
Pendant ses années de fonctionnement, le camp de Drancy est placé sous l'autorité du préfet de police, mais en réalité sous direction directe des Allemands. Il sera dirigé successivement par trois hommes : Theodor Dannecker (un psychopathe notoire) jusqu'en juillet 1942, Heinz Röthke jusqu'en juin 1943 (il fera déporter 40 000 juifs) et enfin Aloïs Brunner (tout aussi sanguinaire) à partir de juillet 1943. Tous trois étaient des officiers SS.
Aloïs Brunner, bras droit d'Adolf Eichmann, était l'un des plus acharnés comme en témoigne cet ancien prisonnier : « Il passait ses nuits à traquer quelques Juifs. » Il traquait notamment les enfants, ce que raconte ce rescapé est glaçant.
Portrait Aloïs Brunner
2001 - 02:57 - vidéo
Et Drancy fut libéré...
Jusqu'au 17 août 1944, le camp fonctionne comme lieu principal de rassemblement et de déportation. C'est le 18 août 1944, après l'arrivée du consul de Suède Raoul Nordling et de membres de la Croix-Rouge que 1 467 prisonniers sont libérés. Alexandre Saint Phalle, ancien résistant évoque ce personnage clé.
Libération de Paris : prisons et camps
1974 - 06:34 - vidéo
Roland Fain était détenu à Drancy, il y est resté jusqu'à la fin. Il raconte : « À partir du 17 août, il régnait une ambiance abominable… Nous avions l'impression que tous les internés du camp pouvaient être massacrés. »
André Ulmo, trente ans à l'époque, était résistant. Il est resté plusieurs mois dans le camp de Drancy avant d'être hospitalisé à Paris grâce aux médecins juifs du camp. Il raconte sa libération et celle du camp.
Libération Drancy
2004 - 03:08 - vidéo
Sur 76 000 hommes, femmes et enfants juifs déportés de France, 67 000 le furent à partir de Drancy. Moins de 2 000 des déportés de Drancy sont revenus, soit à peine 3%.
Pour aller plus loin :
Drancy : le camp d'internement et de déportation. Nathan Prochownick, ancien déporté, se souvient : « le camp de Drancy était bourré ». Il a vu arriver « ses frères et sœurs » de Beaune-la-Rolande. (Il est bouleversé). Après avoir servi de prison pour des collaborateurs à la Libération, la cité HLM est habitée depuis les années cinquante. (10 mai 1998)
A l'occasion de la commémoration de la rafle du Vel d'Hiv, témoignage d'un ancien déporté, Jacques Altmann qui a vécu pendant deux mois à Drancy avant d'être déporté à Auschwitz. Un télé-trottoir des habitants de Drancy alternent avec les interviews de Jacques Altmann et de Raphael Chemouni, président du centre historique du camp de Drancy qui montre les restes de ce centre encore visible dans les sous-sols. (22 juillet 2012)
Mémoires du siècle : Vie quotidienne à Drancy. Annette Monod-Leiris évoque son arrivée au camp d'internement de Drancy. En tant qu'assistante sociale de la Croix Rouge, elle venait en aide comme elle le pouvait (courrier, linge, nourriture) aux détenus dans un climat qui lui était défavorable. Elle fut d'ailleurs renvoyée pour « excès d'activité ». (Audio, 30 août 1995)
Mémoires du siècle : Vie quotidienne à Drancy. Annette Monod-Leiris revient sur la libération, et particulièrement le moment où elle est chargée d'organiser la libération du camp de Drancy. Elle prend alors la place d'Aloïs Brunner et le commandement du camp ! Elle organise les sorties des prisonniers en leur donnant des papiers et des vivres. (Audio, 30 août 1995)
Témoignage d'Henri Graf sur le camp de Drancy. Arrêté par la Gestapo à 16 ans, à Toulouse, Henri Graf est envoyé à Drancy. On lui avait dit qu'il partirait à l'est dans des camps de travail et que les familles seraient regroupées. Les convois de déportés avaient priorité sur les convois de l'armée allemande. Les trains partaient de la gare de Bobigny. (19 juin 2004)