Une femme Premier ministre d'Israël ! Impensable ? Et pourtant... À la mort soudaine de Levi Eshkol, le 26 février 1969, le parti travailliste choisit Golda Meir pour diriger le gouvernement en tant que Premier ministre. Ce poste, elle l'occupera jusqu'au 3 juin 1974. Femme au fort caractère, elle va être en première ligne lors de la guerre du Kippour qui débute en 1973. A l'issue du conflit, Golda Meir démissionnera le 11 avril 1974 et Yitzhak Rabin lui succédera.
Quelques semaines après sa désignation, le magazine Panorama se rend sur place et enquête afin de mieux cerner cette femme de pouvoir. Le reportage présente une succession d'interviews de collaborateurs, d'opposants ou de proches de la femme politique. Après les images de sa nomination par le Mapaï, Golda Meir livre ses premières impressions (en anglais) : "Je suis émue parce que c'est une responsabilité énorme. Mes collègues et moi-même, nous nous efforçons de faire de notre mieux."
Sur le campus de l'université de Jérusalem, un étudiant s'étonne de la nomination d'une femme qui "était en semi-retraite et qui serait en mauvaise santé". Il s'interroge sur sa capacité à gérer la situation explosive qui existe entre Israël et la Palestine. Il évoque le référendum organisé au sein de l'université qui avait donné Moshé Dayan vainqueur avant de conclure : "On espère que ça marchera tout de même."
Du côté des opposants, les conservateurs de droite, cette ancienne alliée de David Ben Gourion suscite la méfiance à cause de ses positions clairement anti-palestiniennes. C'est ce qu'explique Cohen Sidon : "Elle se trouve à la tête d'une coalition gouvernementale dont le principal parti est travailliste", un parti qui exprime alors sa volonté de récupérer les terres occupées par la population arabe pour les rendre aux Juifs. De quoi remettre le feu aux poudres dans cette région déjà sensible.
Vient ensuite l'interview de sa fille, qui vit depuis 23 ans dans un kibboutz. Elle décrit sa mère comme "très douce" et "excellente mère de famille". Mais elle ajoute : "je me souviens qu'elle nous manquait beaucoup, à mon frère et à moi car elle était absente pendant des semaines, et même des mois."
"C'est une femme qui sait exactement ce qu'elle veut."
Jacob Tsur, ancien ambassadeur d'Israël à Paris, qui côtoya Golda Meir lorsqu'elle était ministre des Affaires étrangères (de 1956 à 1966) décrit son admiration pour elle : "elle est devenue ministre des Affaires étrangères en avril et l'expédition de Suez a eu lieu en octobre. C'est une femme qui sait exactement ce qu'elle veut. Très disciplinée. Pour elle, l'ordre de son mouvement, de son parti, de son Etat fait loi. Elle accepte toujours les missions aussi difficiles soient-elles.
Il évoque ensuite son esprit de synthèse et de décision. Il poursuit : "c'est aussi l'un des meilleurs orateurs que j'ai connu. Aussi bien en hébreux, en anglais ou en yiddish, sa langue natale. Elle sait électriser les masses, non pas par des phrases. Elle a l'air de raconter une histoire…"
"Les choses féminines extérieures n'ont pas beaucoup de poids dans sa vie."
Son ancienne secrétaire, Lou Kadar, évoque une femme peu coquette : "les choses féminines extérieures n'ont pas beaucoup de poids dans sa vie. Elle n'a jamais été chez le coiffeur par exemple… De temps en temps, elle pense qu'il faudrait renouveler ses vêtements mais elle ne fait qu'y penser." Elle explique ce manque de coquetterie par ses origines modestes. Par contre, elle aime les gadgets et est très habile de ses mains et "excellente femme d'intérieur." Elle aime faire la cuisine juive de Russie, "à part ça, elle a un certain faible pour la cuisine française."
Ce n'est pas une intellectuelle et elle raconte une anecdote sur son rapport à la littérature, notamment avec le roman de Romain Gary, La promesse de l'aube, qu'elle dévora.
Pour aller plus loin
Les femmes aussi : La grand mère d'Israël. Autour d'un entretien avec Golda Meir, chef du gouvernement israélien, l'équipe du magazine Les Femmes aussi a également recueilli le témoignage de plusieurs femmes, les unes se ralliant à la politique de Golda Meir, les autres la condamnant. (Premium, 14 octobre 1969)
Florence Dartois
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