Né le 28 juin 1954 à Bruxelles, Benoît Sokal s'est illustré dans un style peu exploré dans la BD, l’anthropomorphisme. En 1978, il crée un personnage qui va lui coller à la peau, le célèbre Canardo, un canard déjanté et désabusé, sorte de Columbo à plume avec son vieux trench-coat sale, son mégot au bec et sa bouteille de whisky à portée d'aile. Jusqu'aux années 2000, le canard va mener ses enquêtes dans des décors sordides et des quartiers glauques. Un héros cynique et désabusé, aux fulgurances géniales. En juin 1991, Benoît Sokal sort un nouvel opus des aventures de Canardo. Pour l'occasion, il accorde une interview au magazine jeunesse "Giga". Le décor choisi pour l'entretien est tout droit sorti de sa BD. Un lieu sordide aux murs recouverts de tags, des entrepôts désinfectés, des murs en ruine. Un clin d'œil explicite à l'univers de Canardo dont le portrait a été tagué sur un mur décrépi. Le dessinateur se fond dans ce décor comme dans une case de sa BD. Il porte le même imperméable beige et difforme que son "canard détective aux allures de Colombo".
"Au départ, c'est ce que je savais mieux dessiner"
L'artiste belge explique pourquoi il a fait le choix d'utiliser des animaux comme héros de ses enquêtes policières, "au départ, c'est ce que je savais mieux dessiner. Pour ne pas me planter, j'ai commencé à dessiner des animaux, à l'école de dessin et après dans les BD." Ses personnages fétiches : un canard, un cochon et un lapin... un anthropomorphisme fascinant qui va signer le style Sokal. Mais lui s'en amuse, "C'était aussi bête que ça, je n'avais aucune raison métaphysique au départ". Une simplicité apparente seulement, car dessiner des animaux de taille très différente dans une même case pose parfois des problèmes techniques compliqués…
Quant au choix des animaux, il n'est jamais le fruit du hasard : "J'essaye de choisir un animal qui correspond plus ou moins au caractère que je voudrais donner à mon personnage… évidemment une princesse, ça ne sera pas un cochon et un gangster ce sera forcément un animal un peu repoussant…" Et lorsque le journaliste s'étonne de la violence de certaines scènes de ses récits, Benoît Sokal ricane : "Il y a deux ou trois meurtres, c'est tout. Comme dans tout roman policier qui se respecte, il faut au moins deux ou trois meurtres", confesse-t-il. Il avoue même ressentir une certaine jouissance à dessiner, "des gens troués, avec des balles…". Mais pour lui, la violence, chez Canardo, se situe plutôt dans les paroles, les situations.
Benoît Sokal a aussi été un pionnier dans le paysage vidéoludique avec des jeux tels "L’Amerzone" et "Syberia". Il préparait d'ailleurs un nouvel opus avec "Syberia : The World Before", dont l'avenir est à présent contrarié.
Florence Dartois
Pour aller plus loin :
JT Reims FR3 : interview de Benoît Sokal, 30 ans, à Reims où il réside. Sortie de l'album "Noces de brume". Sa manière de travailler. (18 mai 1985)