C'est un texte puissant, dénonciateur, que Virginie Despentes a écrit ce lundi dans Libération. L'autrice de "Vernon Subutex" dénonce notamment le “clan des puissants” qui ignore “le consentement des dominés” et protège ses membres, en réponse à la récompense de Roman Polanski aux Césars, toujours poursuivi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure.
En 1998, 22 ans auparavant, c'était une autre prise de parole tout aussi incisive à laquelle se livrait Virginie Despentes. A l'occasion de la sortie de son livre "Les jolies choses", elle était invitée dans l'émission "Bouillon de culture" animée par Bernard Pivot. Après avoir présenté son livre, elle répondait aux questions du présentateur et dénonçait les rapports de domination entre hommes et femmes.
Bernard Pivot : "Cette manière de décrire le monde, est ce que c'est pour vous une manière de vous révolter contre ce monde ?"
Virginie Despentes : "Me révolter, non. Mais il y a une grosse colère. Vu ce que je vois autour de moi, il y a une colère c'est sûr. C'est pas possible comment ça se passe."
B.P : "Ce monde de l'esbroufe, ce monde de la chanson, du rock, des boîtes à partouze, du sexe, c'est un monde que vous connaissez bien."
V.D : "Oui forcément, c'est un monde d'hommes. Je suis dedans quand même. C'est un monde d'hommes et de profits donc le rôle des femmes, c'est de faire les putes. Moi, je suis dedans tout le temps. Enfin, c'est comme ca que je le ressens. C'est vachement moins subtil que vous 4 (elle s'adresse alors aux hommes présents sur le plateau dont les écrivains Jean-Marie Rouart, Michel Houellebecq et Philippe Sollers).
B.P : "Quel est le rôle des femmes dans ce monde d'hommes ?"
V.D : "Amuser, amuser et encore amuser. Peut-être qu'on prendra le pouvoir quelque part, on verra mais moi je veux le pouvoir maintenant en tant que femme. Et aussi en tant que personne qui est pas née dans les bons quartiers, je veux une mixité sexuelle et sociale. Je voudrais que ça soit maintenant, maintenant, maintenant."
B.P : "Est ce qu'il n'y a pas dans ce livre une détestation du désir de l'homme ?"
V.D : "Oui, moi j'ai des comptes à régler. Je pense que c'est normal. Je vois pas pourquoi je les réglerais pas. Il y a quand même un problème à régler avec le désir de l'homme. Il est encore complètement omniprésent. A un moment, il va falloir que ça dégage. Il faudrait qu'on habille les jeunes garçons de 16 ans et qu'on les envoie dans la rue un petit peu. Ils comprendront un petit peu mieux de quoi je parle. C'est pas une question d'être belle ou pas, c'est une question d'être en jupe."