5 novembre 1998. C'est l'événement à la mairie du 5e arrondissement de Paris, Balthus visite en personne l’exposition Le Tintoret. Visage émacié, cloué dans un fauteuil roulant, à bientôt 91 ans, le peintre affiche toujours un franc-parler bien à lui. Sa présence est rare car Balthus quitte peu ses montagnes suisses et n'aime pas du tout s'afficher en public, encore moins évoquer la peinture. La sienne ou celle des autres. Pour l'oeuvre du Tintoret, il fait une exception, sans pour autant déroger à sa règle : "c'est un très grand peintre mais je n'aime pas parler peinture..." déclare-t-il à l'audience attentive. Quand il s'exprime à nouveau, c'est finalement pour critiquer la manie de restaurer les œuvres anciennes : "on ne sait pas comment arrêter les restaurateurs" souffle-t-il sarcastique, avant de poursuivre, "peut-être en leur coupant les mains...".
"oui c'est mieux mais c'est mal éclairé !"
Après cette gentillesse, il poursuit sa visite, la tête levée vers le plafond décoré. Lorsqu'on lui fait remarquer une oeuvre non restaurée, espérant son assentiment, il souffle le chaud et le froid : "oui c'est mieux", avant de lancer dépité : "... mais c'est mal éclairé !". Un pique plutôt désagréable prise avec le sourire par le commissaire d’exposition qui reconnait volontiers l'absence d'éclairage et tente de la justifier par l'affluence du public... Avant d'être sèchement coupé par le peintre qui cette fois se met à critiquer les visiteurs : "le plus terrible, c'est ces 3 000 personnes qui ne regardent rien, qui disent des stupidités et qui ne voient pas ce qu'il faut regarder...". Sur la peinture du maître, Balthus restera discret, si ce n'est un "c'est magnifique" susurré à la fin de sa visite.
"J'ai horreur du terme d'artiste"
Pour entendre plus longuement Balthus parler de son oeuvre, il faut ouvrir le poste radio, notamment dans cet entretien diffusé le 17 septembre 2000 sur France Culture, dans l'émission Une vie, une oeuvre. Marlène Belilos l'interroge alors sur son exposition de l'année précédente au Musée de Dijon. S'il accepte d'évoquer certains de ses tableaux exposés lors de cette rétrospective; il confie aussi son amour des paysages du Morvan et des Alpes où il habitait alors. Mais l'artiste n'allait pas se priver de proclamer son "horreur du terme d'artiste. Je me considère plutôt comme un artisan". Le peintre relate ensuite son séjour à la villa Médicis, sa rencontre avec Fellini, Antonioni, son étiquette de peintre fasciste et son amitié avec le peintre Bonnard.