C'est en 1953 qu'est créé le "Livre de poche" (parfois abrégé LDP), sous l'impulsion d'Henri Filipacchi, édité par la Librairie générale française, une filiale d'Hachette. Son ambition : faire découvrir au plus grand nombre les grands noms de la littérature mondiale pour un prix modique et un format de poche pratique. Si des livres au petit format et à bas prix existent depuis le 19e siècle, l'ambition du Livre de poche est réellement d'offrir aux lecteurs les écrits des grands auteurs alors tombés dans le domaine public, publiés en intégralité.
Une telle ambition n'était cependant pas du goût de tout le monde. Ainsi ce jeune étudiant, en 1964, jugeait-il sévèrement la démocratisation de la lecture.
« Je suis persuadé qu'il faut une aristocratie des lecteurs [...] Je pense beaucoup de mal du livre de poche, parce que ça fait lire beaucoup de gens qui n'avaient pas besoin de lire, qui n'avaient jamais ressenti le besoin de lire. Avant, ils lisaient "Nous deux" [magazine populaire français hebdomadaire créé en 1947 et spécialisé dans le roman photo, très à la mode dans la France des années yéyé, NDLR] ou "La vie en fleur" [magazine sentimental de l'Après-guerre à destination d'un public féminin, lancé par Cino Del Duca, patron de presse italien installé en France également à l'origine de "Nous deux', NDLR], et d'un seul coup ils se sont retrouvé avec Sartre dans les mains. Ce qui leur a donné une espèce de prétention intellectuelle qu'ils n'avaient pas. Avant les gens étaient humbles devant la littérature, alors que maintenant ils se permettent de la prendre de haut. Les gens ont acquis le droit de mépris, ce qu'ils n'avaient pas avant. »