18 mars 1962 au matin : les négociations menées entre la République française et le FLN aboutissent à la "Déclaration générale des deux délégations du 18 mars 1962". Ainsi qualifiés par la presse, les Accords d'Evian mettent officiellement fin à huit ans d'une guerre qui ne fut jamais nommée et reconnue comme telle. La France a engagé jusqu'à 400 000 hommes dans ce conflit qui tua près de 300 000 algériens et environ 3000 français. Aboutissement de la conférence ouverte le 7 mars à Evian, ces accords résultent en réalité de difficiles tractations menées par les deux parties depuis près de dix-huit mois parfois clandestinement. Une difficulté à la hauteur des enjeux.
De longues négociations
En 1962, ce que le gouvernement refuse encore de qualifier de guerre, lui préférant le terme "d'événements d'Algérie" dure depuis près de huit ans. Ayant causé la chute de la IVe République, le conflit a en outre divisé la population entre partisans de l'Algérie française d'une part et partisans de l'indépendance d'autre part et mené le pays au bord de la guerre civile.
Revenu au pouvoir en juin 1958, De Gaulle souhaite trouver au plus vite une solution politique au drame algérien. C'est dans son discours du 16 septembre 1959 qu'il évoque pour l'Algérie l'autodétermination.
Le 14 juin 1960, il propose aux "dirigeants de l'insurrection" de négocier. Le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne crée par le FLN le 19 septembre 1958 accepte, et le 25 juin 1960, s'ouvrent les rencontres de Melun.
Les discussions se soldent alors par un échec car les divergences entre les deux parties sont profondes. Ainsi la France exige-t-elle une trêve en préalable à toute discussion, ce que le FLN refuse.
Au cours de l'année 1961, des représentants des deux parties vont se rencontrer à plusieurs reprises, parfois secrètement. C'est au cours de la dernière de ces entrevues, aux Rousses, dans le Jura, qu'un compromis est enfin trouvé et que sont établis le 19 février 1962 au petit matin, les prémices des accords d'Evian. Le marchandage a été rude.
Les enjeux de la négociation
La déclaration établit en premier lieu un accord de cessez-le-feu entrant en vigueur dès le 19 mars 1962 à 12h. Elle prévoit en outre la mise en œuvre d'un processus d'autodétermination et l'organisation des pouvoirs en Algérie pendant la période transitoire.La difficulté des négociations était à la hauteur des enjeux. Les points les plus importants concernent le statut de la minorité européenne, la souveraineté du Sahara et les bases militaires de Mers-El-Kebir. Les accords établissent que les Français d'Algérie disposeront des droits algériens pendant trois ans, période au terme de laquelle ils devront choisir entre citoyenneté algérienne ou le statut de citoyens français étrangers. La France obtient en outre la concession de la base de Mers-El-Kebir pour quinze ans et de celles du Sahara pour cinq ans.
Enfin les accords d'Evian établissent la coopération culturelle et économique de la France et de l'Algérie au terme du processus d'autodétermination. La déclaration établie est proposée à la ratification des deux peuples par référendum.
La France se prononce pour à 90,7% des voix le 8 avril 1962. Le peuple algérien vote, lui, le 1er juillet 1962 et le 5, l'Algérie est indépendante.
19 mars 1962: la fin de la guerre ?
Si le 19 mars 1962 marque officiellement la fin de la guerre, les victimes du conflit furent plus nombreuses à partir de cette date. Violemment opposé à l'indépendance, de l'Algérie, l'OAS ouvre une véritable campagne de terreur, multipliant les meurtres et les attentats. A la suite des Accords d'Evian, le quartier de Bab-El-Oued est bloqué par l'armée.
Le 26 mars une manifestation de partisans de l'Algérie française dégénère, faisant de nombreuses victimes. C'est après cette fusillade de la rue d'Isly que commence l'exode massif des pieds-noirs.
Face à la politique de terreur et de terre brûlée menée par l'OAS les Français d'Algérie n'ont plus le choix qu'entre "la valise ou le cercueil". En 1962, ils sont près d'un million à rejoindre la France dans des conditions très difficiles.
Dépassé par l'ampleur du phénomène, le gouvernement français a encore moins envisagé le devenir des Harkis, ces musulmans d'Algérie ayant servi sous le drapeau français, feignant de croire que les dispositions prises à ce sujet par les accords d'Evian seraient respectés. Désarmés par la France et considérés par leur compatriotes comme des traîtres, les harkis sont victimes d'un véritable massacre après l'indépendance. Ceux qui ont réussi à rejoindre la France seront pour la plupart internés dans des camps. Quelques mois après la signature des accords, grâce au référendum du 1er juillet 1962, l’Algérie accédait à l’indépendance.
Pour aller plus loin :
A retrouver sur madelen, l'offre de streaming illimité de l'INA, le documentaire : Guerre d'Algérie, la déchirure. A base d'images d'archives colorisées, cette série aborde un chapitre douloureux de la décolonisation. Les qualités de construction du récit, réalisé par l’historien Benjamin Stora, permettent de comprendre ces événements complexes, des attentats de la "Toussaint rouge" en 1954 à la proclamation d’indépendance de l'Algérie en 1962. (1 saison — 2012 — Réal : Gabriel Le Bomin)
A retrouver dans La revue des médias, le magazine qui analyse les mutations des médias : De la cohésion nationale à la parole des témoins et des familles : 60 ans de guerre d’Algérie à la télévision. Dans cet article, Béatrice Fleury revient sur la parole et les récits du conflit.
Les accords d'Evian présentés à l'Assemblée nationale. (20 mars 1962)
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