L'ACTU.
Le photographe et résistant français Adolfo Kaminsky est mort lundi 9 janvier. Né à Buenos Aires de parents juifs russes, il était spécialisé dans la fabrication de faux papiers d'identité notamment pendant la Seconde guerre mondiale.
LES ARCHIVES.
« Mettre les faux papiers au service de vrais combats, le credo d'Adolfo Kaminsky », décrivait Samuel Étienne, dans l'archive de 2009 proposée en tête d'article, au lancement d'un portrait de celui qui fut aussi appelé « Faussaire de Paris ». Adolfo Kaminsky, né en 1925, avait fait de la fabrication de faux son domaine d'expertise. Avec une ligne directrice : « Ces faux papiers, il les voyait comme des armes contre les nazis et pour la liberté des peuples », poursuivait le présentateur.
À l'image, les multiples documents d'identité que le photographe avait utilisé pour lui-même : « Adolpho Kaminsky, c'est son vrai nom, mais le document est faux. Faux, comme des milliers d'autres, qu'il a fabriqué pendant près de 30 ans dans des laboratoires clandestins. De faux papiers pour sauver des vies, d'abord sauver la sienne, en 1943 quand on raflait les Juifs. » La caméra de France 3 était allée à la rencontre du faiseur de faux. Celui-ci, un morceau de carton, vieux papiers d'identité, dans les mains, il expliquait : « Sur un carton, exactement comme celui-ci, j'ai collé la photo, j'ai rempli avec ma petite écriture de primaire et puis j'ai mis le coup de tampon : j'avais fait mon premier faux. »
« On savait très bien à quoi ils étaient destinés »
Sa précision et son « talent de faussaire » lui valurent d'être approché « par un réseau juif de résistante pour lequel il va travailler. » À partir de là, il s'investit dans sa mission : « Il fait des papiers jour et nuit parfois jusqu'à l'épuisement pour soustraire des enfants à l’an déportation. Il en sauvera des milliers », détaillait le commentaire. Et Adolfo Kaminsky de préciser son mode opératoire : « Sur les cartes d'alimentation des enfants juifs, il y avait un grand tampon rouge juif en diagonale. Il fallait l'enlever. C'était vraiment la course contre la montre. On n'avait pas le droit de laisser mourir les gens. On savait très bien à quoi il était destinés. »
Le faiseur de faux n'arrêta pas son œuvre à la Libération : « Après la guerre, il continue son travail clandestin. D'abord pour les juifs rescapés des camps. Puis dans les années 50, pour une nouvelle cause qui l'enflamme : celle de la résistance algérienne. » Guidé par un pacifisme inébranlable, il exposait : « La France utilisait la torture, les méthodes nazies, de la Gestapo, j'ai trouvé ça absolument inadmissible. Je n'ai pas choisi l’Algérie contre la France, j'ai choisi la fin la plus rapide possible d'une guerre inutile. »
Un engagement qui dura jusqu'en 1971, auprès également de résistants grecs, chiliens, sud-africains, « toujours clandestin, toujours à l'insu de sa famille. »
« Le calcul est simple. (...) Si je dors une heure, 30 personnes mourront »
Sa fille, Sarah Kaminsky a recueilli l'histoire de son père dans un livre. Sa sortie donna l'occasion au duo de se rendre sur les plateaux de télévision, comme le montre l'archive ci-dessous. En 2012, Sarah Kaminsky disait sa volonté de parler de ces « héros de l'ombre », de « ceux qui ne vont pas chercher les récompenses, ceux dont on ne parle pas et qui font les choses pour des raisons purement éthiques. » Un don de soi qu'illustrait ce passage cité par le journaliste : « rester éveillé le plus longtemps possible, lutter contre le sommeil. Le calcul est simple : en une heure, je fabrique 30 papiers vierges. Si je dors une heure, 30 personnes mourront. Au bout de deux nuits de travail (...), la fatigue est devenue ma pire ennemie. »
Adolfo et Sarah Kaminsky à propos de la vie d'Adolfo Kaminsky
2012 - 06:54 - vidéo
Longtemps dans l'ignorance des activités de son père, elle disait d’ailleurs avoir été élevée dans un grand respect des lois, auxquelles « il ne fallait absolument pas déroger. » Car le travail de son père aurait pu lui valoir des ennuis : « Pendant longtemps, il était toujours en danger, il avait fait des choses illégales, il ne fallait pas le dire », disait-elle. Un silence qu'il avait donc finalement brisé, 40 ans après la fin de son service.