A côté de la défense de l’environnement, grande cause à laquelle le roi Charles III s’est consacré durant les dernières décennies, alors qu’il était prince de Galles, l’architecture et l’urbanisme sont une autre de ses passions, bien connue de ses sujets. Grand admirateur de l’architecture traditionnelle européenne, et notamment celle de la Renaissance italienne, le prince de Galles a décidé de construire sur ses terres des villes nouvelles sur le modèle urbanistique des communes d’autrefois.
L’exemple le plus abouti de cette politique, parfois moquée au Royaume-Uni pour son aspect nostalgique de la vieille Angleterre, est la ville de Poundbury, dans le comté du Dorset, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Une commune de plus de 3000 habitants, fondée en 1993, que visite le journaliste Loïc de La Mornais en 2018 pour un reportage pour France 2, diffusé le 22 février 2018.
« Je connais tous mes voisins »
Le sujet, placé en tête d’article, permet au téléspectateur de parcourir les rues et places de ce grand village où les bâtiments ne ressemblent en effet pas aux villes modernes qui se construisent généralement en Angleterre et sur le continent : « Comme dans les plus beaux quartiers anciens de Londres, explique Loïc de La Mornais, les colonnes et les coupoles dorées néoclassiques s’élancent vers le ciel. Les façades des bâtiments sont fidèles à l’architecture victorienne, celle du XIXe siècle, pourtant l’année de construction gravée en chiffres romains indique 2015 (MMXV). Voici Poundbury, une ville qui a toutes les apparences d’une cité historique, mais qui vient à peine de sortir de terre, en plein milieu de la campagne anglaise. »
Des habitants, interrogés, disent leur attrait pour un style de vie à rebours du stress de la vie moderne. « Avant de m’installer ici, je travaillais à Londres, explique une jeune femme. Ce que j’aime dans cette ville, c’est que les gens se connaissent vraiment. Je connais tous mes voisins car on a emménagé ici le même jour. » Même son de cloche pour un monsieur qui vient d’emménager, et qui est séduit par l’urbanisme : « Ici, ils construisent une communauté à travers l’architecture. Une philosophie où il n’y a pas de ligne droite, mais des petits passages, on peut tout faire à pied. » Pas de feux de signalisation ou de marquage au sol, explique le reportage, pour forcer les voitures à rouler au pas.
Dans le même souci de vivre plus calmement, l’école a été conçue pour empêcher les parents de déposer leurs enfants à la va-vite. « L’entrée de l’école a été placée […] le plus loin possible de la route. C’est fait exprès, pour que le matin les gens marchent un peu et se parlent. Ils démarrent bien mieux la journée », explique Catherine Smith, directrice de l’école primaire Damers. Le fonctionnement de la ville se veut également respectueux des principes du développement durable, en choisissant un approvisionnement en nourriture le plus possible local, comme c’est le cas pour la boucherie, qui ne s’approvisionne que chez les producteurs de la région.
Mixité sociale
Le prince Charles met l’accent sur une autre composante de ses projets de villes nouvelles : la mixité sociale et le sentiment d’inclusion que doivent proposer ses réalisations. « Nous souhaitons que les gens brisent le modèle conventionnel dans lequel on a érigé les villes depuis un siècle, déclarait-il à la télévision en 2005. Car ces modèles-là fabriquaient en fait des sociétés de l’exclusion. »
Exemple avec une autre ville estampillée « prince Charles », Nansledan, à l’architecture typique des Cornouailles. « Les futurs magasins sont encore vides, mais la plupart des maisons ont déjà été vendues. 350 000 euros en moyenne pour un logement de 3 ou 4 chambres » rapporte Loïc de La Mornais, qui interviewe Ben Murphy, directeur de l’immobilier du duché de Cornouailles : « Toute cette vallée-là sera construite. C’est un projet sur 30 ou 40 ans. Mais si l’on veut que ça marche, il faut qu’il y ait de la mixité sociale. Comme le prévoit la loi, il y aura 30% de logements sociaux. Et vous ne pourrez pas faire la différence visuellement entre [une] maison privée et [une autre] qui est un logement social ».
Ces nouvelles villes, construites sur les terres du prince Charles, lui généreront des revenus et des loyers. Alors que son « patrimoine est évalué à 1 milliard d’euros », explique Loïc de La Mornais, « la plus grande partie de cet argent sera utilisée par son duché et ses fondations pour l’environnement pour financer d’autres projets. »