Nous sommes en septembre 1980 et c'est dans une gare désaffectée du 18ème arrondissement de Paris que se tourne le nouveau film du cinéaste. Une fresque s'étalant des années 30 aux années 80, à travers le destin de quatre familles marquées par la Seconde Guerre mondiale et par leur amour de la musique. Au milieu d'une centaine de comédiens et de figurants, le réalisateur orchestre une scène de déportation. Entre deux prises, Claude Lelouch déclare adapter sa façon de tourner au contexte historique de l'histoire qu'il filme. En l'occurrence ici, le parcours de musiciens, français, russes, allemands et américains durant cinq décennies : "Le grand patron du film c'est l'histoire et je m'adapte à l'histoire".
"La musique est un directeur d'acteur exceptionnel"
La musique tient une place essentielle dans le récit, au point de rythmer les prises de vues. "On est toujours rattaché les uns aux autres par le biais de la musique, qui est leur préoccupation majeure (...) la musique est un directeur d'acteur exceptionnel", ajoute-t'il avant de poursuivre, "elle donne des émotions immédiates et les acteurs jouent avec ces émotions (…) ils ont un rythme pour bouger qui est complètement adapté à la musique qu'il entendent pendant le tournage". C'est tel un chef d'orchestre qu'il filme les scènes : "Moi aussi je fais bouger les gens et ma caméra en fonction de la musique".
Plus loin, Emmanuel Gust, le premier assistant, s'affaire à la gestion des nombreux figurants et décors. Il promulgue ses derniers conseils aux nombreux figurants qui forment une longue colonne de déportés prêts à monter dans les trains qui les mèneront dans les camps de concentration. Ce n'est pas sa première collaboration avec le réalisateur, il a l'habitude de ses fulgurances inattendues : "C'est un réalisateur qui travaille à l'influx".
Plus loin Robert Hossein, qui a accepté de refaire du cinéma à la demande de Claude Lelouch, s'amuse des transformations physiques de son personnage au fil du récit. En effet, les acteurs sont amenés à jouer plusieurs générations de personnages pour ce long métrage. Une prouesse. Ainsi, Robert Hossein interprète à la fois le père et son fils de la famille française.
A la cérémonie des César de 1982, le film allait recevoir quatre récompenses : les César du meilleur film, de la meilleure musique originale, du meilleur son et du meilleur montage.
Florence Dartois
Pour aller plus loin :
Les nouveaux rendez-vous : Nicole Garcia et Claude Lelouch sur l'absence de scénario dans les films de Lelouch. Lui, souhaite filmer des moments uniques, il essaie donc de les protéger le plus tard possible, jusqu'au moment du tournage, pour filmer des surprises. Or, la lecture d'un scénario ôte toute surprise. Ça lui permet de faire un cinéma d'émotion. Pour le comédien, il y a une part d'improvisation. (28 septembre 1980)
Nicole Garcia à propos de son rôle dans le film. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une violoniste est emmenée en déportation. Elle laisse son bébé à la frontière pour lui éviter les camps de concentration. Après la guerre, elle part à la recherche de son enfant. Ce film est pour elle un album de famille qu'on feuillette et qui traverse l'histoire. (9 juin 1981)