Célèbre, mais à quel prix ? La vie de La Joconde, le chef-d'oeuvre mondialement connu de Léonard de Vinci, peint au début du XVIe siècle, et trésor du musée du Louvre, n'est décidément pas de tout repos. La tableau a d'abord été volé en 1911, pour n'être retrouvé que deux ans plus tard, et reprendre sa place au sein du musée en janvier 1914. C'est cette rocambolesque affaire qui va largement contribuer à faire de La Joconde le tableau le plus célèbre du monde.
En 1956, l'oeuvre de Léonard de Vinci a ensuite été victime d'une attaque à la peinture acide, qui a endommagé la toile, puis en décembre de cette même année 1956, c'est une pierre lancée par un jeune Bolivien qui a fracturé la vitre de protection de la toile. Cette dernière a été abîmée au niveau du bras gauche de la belle Italienne.
C'est de cet incident qu'il s'agit dans l'archive proposée en tête de cet article, un extrait de l'émission « L'art et les hommes » présentée par Jean-Marie Drot, et diffusée le 13 janvier 1957. Ce dernier, grand vulgarisateur de l'histoire de l'art à la télévision, qui fut également documentariste et directeur de la Villa Médicis de Rome de 1985 à 1994, s'était rendu dans l'atelier de restauration du Louvre pour y écouter le responsable expliquer la nature du problème, la chute de « quelques écailles de peinture due au choc ». Surtout, le spécialiste se voulait rassurant : « Le tableau n’est pas malade. Ce n’est pas une grosse restauration, c’est une reconstitution partielle, et une reconstitution partielle de cet ordre ne constitue pas du tout un gros problème, [...] ça ne diminue en rien sa très grande valeur artistique. »
Le témoignage du gardien
Les deux hommes passaient ensuite aux débris de la glace qui protégeait La Joconde, et informaient le téléspectateur qu'en plus d'être remplacée, la vitre sera désormais encore plus épaisse. L'extrait consacré à la restauration du tableau se terminait par l'interview du gardien qui était de veille lors de l'incident. Ce dernier racontait à Jean-Marie Drot : « Vers 16h30, dimanche dernier, je vis un bras se lever et un individu lancer une pierre, et je vis aussitôt la glace de La Joconde brisée. Je me précipitai et je vis un individu qui essayait de s’enfuir, la foule me l’a désigné immédiatement. »
Malgré cette difficile année 1956, La Joconde sera prêtée à New York en 1962, avant de s'envoler pour le Japon en 1974. Au pays du Soleil Levant, l'oeuvre sera à son tour attaquée à la peinture rouge par une visiteuse en fauteuil roulant souhaitant exprimer son mécontentement quant à l'absence de rampes d'accès dans le musée. À l'occasion de cette exposition, La Joconde avait reçu la visite d'André Malraux, grand spécialiste d'histoire de l'art asiatique. En conférence de presse, il évoquait l'histoire de cette « oeuvre excessivement précieuse », prêtée au Japon comme une « marque d'amitié » de la France : « La Joconde est une oeuvre en quelque sorte enchantée. C'est le seul tableau dont on ne connaisse pas avec certitude le modèle, c'est le seul tableau qui puisse avoir pour modèle deux femmes différentes, de seize ans de différence d'âge. C'est le seul portrait de femme dont on ne sache pas si ce ne n'est pas un homme, et c'est le seul tableau sur lequel on tire régulièrement. »
Préoccupation majeure
L'ancien ministre de la culture du général de Gaulle évoquait alors la question de sa protection : « Vous allez le voir, ou vous l'avez vu, il [le tableau] est un peu vert. Ce n'est pas à cause du tableau, c'est parce que la vitre qui le protège est une vitre à l'épreuve des balles et que aucun verre totalement transparent n'est à l'épreuve des balles. Or, on tire tous les ans sur La Joconde.» Affirmation très probablement exagérée d'André Malraux, il n'en était pas moins vrai que la sécurité du tableau devenait une préoccupation majeure des conservateurs du Louvre.
Et en 2005, la protection du tableau a encore été renforcée. La Joconde changeant de salle, à quelques dizaines de mètres seulement de son emplacement d'origine mais un déplacement qui se chiffrait à près de 5 millions d'euros, le prix d'une sécurité renforcée, avec grande vitre blindée de 4 mètres de hauteur sur 2 mètres de large, encastrée dans une niche mise au point par l'architecte Lorenzo Piqueras.
Une protection supplémentaire qui va s'avérer bien utile en 2009, lorsqu'une femme d'origine russe jettera une tasse vide contre le tableau, un geste qu'elle a justifié par le fait de n'avoir pas reçu la nationalité française. Protégée par sa vitrine, La Joconde s'en sortait indemne.