L'ACTU.
Lundi 2 octobre 2023, à Tonneins dans le Lot-et-Garonne, le président de la République, Emmanuel Macron, a dévoilé la carte des 238 nouvelles brigades de gendarmerie qui seront créées dans tous les départements. Elles vont compléter les 3049 existantes, soit un effectif de 2144 gendarmes supplémentaires. Ces nouvelles brigades seront de deux types : 145 unités mobiles et 93 fixes, dans des bâtiments construits ou réhabilités.
Plus de sécurité et plus de présence, ces objectifs s'inscrivent dans la volonté du président de la République de doubler la présence des gendarmes et des policiers sur la voie publique au cours des dix prochaines années. « C’est un investissement historique, a déclaré Emmanuel Macron. Il y a un besoin de la présence des gendarmes. Une présence qui rassure, qui dissuade, qui accompagne. Les innovations technologiques ne doivent pas nous conduire à réduire cette présence et à la concentrer dans les grandes villes. »
LE CONTEXTE.
Cette annonce met un terme à une longue période de fermetures de brigades de gendarmerie lancées à partir de 2008 dans une ambiance de révision générale des politiques publiques et de coupes budgétaires. La réforme de la gendarmerie engagée sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, puis l'adoption de la loi du 3 août 2009 défendue par Brice Hortefeux, le ministre de l'Intérieur, avait alors fait passer la gendarmerie, historiquement rattachée au ministère de la Défense, sous le giron de l'Intérieur. L'objectif était un rapprochement entre la police nationale et la gendarmerie pour favoriser leur complémentarité et augmenter leur efficacité, tout en faisant des économies. Le but final étant, à terme, de fusionner les deux secteurs. Ce qui n'a pas été réalisé. Mais 100 000 gendarmes avaient quand même changé de ministère de tutelle.
Pour les élus locaux et les populations, la conséquence concrète de cette réforme était une disparition progressive de la proximité et de l'ancrage territorial en zone rurale et périurbaine des gendarmes. Une désertification du service public déplorée localement, à l'exemple de la Creuse, dans le reportage ci-dessous.
La réforme et la loi de 2009 étaient en rupture totale avec les précédentes politiques gouvernementales, notamment celles en vigueur depuis le milieu des années 1960. À l'époque, au contraire, on prônait la proximité comme un élément de sécurité et des gendarmeries étaient installées au plus près des contribuables. L'archive ci-dessous est intéressante car elle montre comment le gouvernement considérait le rôle de la gendarmerie.
En 1971, à l'occasion de l'inauguration de la gendarmerie de Valence et d'une visite au PC de l'escadron de Valence, Michel Debré, ministre d’État chargé de la Défense nationale, exprimait l'importance du rôle joué par la gendarmerie dans la vie de la Nation. Il insistait sur l'importance de ses nombreuses missions dans le tissu national et affirmait qu'en cas de crise, la gendarmerie jouerait un rôle essentiel pour la protection des biens et des populations.
Michel Debré à propos de la gendarmerie
1971 - 02:40 - vidéo
Michel Debré : « Il est normal que la gendarmerie soit honorée à la mesure même de l'augmentation de ses obligations dans la vie moderne ».
L'ARCHIVE.
La proximité de la gendarmerie avec la ruralité, dans ce que l'on appelait autrefois les provinces, était particulièrement mise en avant dans nos archives datées des années 60-70. En tête d'article, nous avons choisi un reportage de 1965 filmé par l'ORTF pour le magazine « Édition spéciale » des actualités télévisées. Dans ce sujet de neuf minutes, Guy Sarthoulet dépeignait le quotidien de la brigade de gendarmerie de Luynes (Indre-et-Loire), basée à une dizaine de kilomètres de Tours. Une compagnie qui veillait sur la population 24 heures sur 24.
De la régulation de la circulation à l'arrestation d'un meurtrier, la brigade de Luynes, sous les ordres du commandant de brigade Brassard, comme toutes les autres compagnies réparties sur le territoire, devait être capable de s'acquitter de responsabilités et de tâches aussi ingrates que variées. Le reportage débutait par une longue présentation de ces hommes dévoués. Des gendarmes visiblement fiers de leur métier. Filmés derrière leur bureau, à leur machine à écrire, à vélo ou à pied, ils étaient prêts à faire respecter la loi.
Le reportage décrivait leurs missions, allant du contrôle de l'état des routes à celui de la pluviométrie ou de la radioactivité. Les gendarmes possédaient évidemment une attribution judiciaire en cas de vol.
L'implantation locale largement revendiquée dans ce reportage permettait une bonne connaissance des habitants et une prévention d'éventuels actes répréhensibles. Le commandant précisait que c'était un atout dans le cadre des enquêtes : « Le gendarme de campagne, par sa connaissance des lieux, de la population, des milieux familiaux, même, a une certaine facilité pour opérer ses recherches. »
Une proximité qui satisfaisait également la population locale. Elle entretenait des relations cordiales avec ses gendarmes. C'est ce qui ressortait d'un micro-trottoir réalisé au café du coin. « Les gendarmes, c'est des bons gars ... », « c'est des braves types », « c'est des bons gendarmes, ils font leur service. Il en faut », déclaraient les habitants.
Le reportage qui avait débuté à 5 heures du matin sur une route de campagne s'achevait à minuit dans un bal local. Au milieu des fêtards et des danseurs, les gendarmes assuraient la surveillance des festivités. C'était ça la vie de gendarmes dans la ruralité, des bons et des mauvais moments, mais toujours au plus près de la population.
Si l'archive précédente parlait de ruralité, les brigades de gendarmerie se déployèrent aussi, dès les années 60, dans les petits centres urbains qui se développaient alors. L'archive à découvrir ci-dessous nous mène à la gendarmerie de Montmély-Créteil en 1968. Ici aussi, il était question de service public, de proximité et du côté des habitants, de sécurité.
Implantation d'une gendarmerie dans un grand ensemble à Créteil
1968 - 04:40 - vidéo
Commandant Beaujois : « Le gendarme ici vit à peu près de la même façon qu'en province, dans le sens où il est intégré à la population, qu'il participe à la vie de la cité ».
Heureux comme un gendarme
En mai 1968, dans « Cinq colonnes à la une », deux gendarmes évoquaient leur métier peu routinier, leur rôle préventif et leur proximité avec les administrés. « Les gens n'ont pas peur du gendarme, ils ont toujours besoin de nous. On leur rend des services souvent... », déclarait l'un d'eux.