L'ACTU.
La France a dénoncé le 18 août 2023 la décision de la justice russe de dissoudre le centre Sakharov de Moscou. Dans un communiqué, le tribunal a affirmé que l'association, dépositaire de l’héritage du Prix Nobel de la Paix Andreï Sakharov (1921-1989), avait illégalement organisé en Russie des évènements en dehors de sa "zone d'activité" géographique prévue dans ses statuts. Institution respectée de la société civile russe, le centre offrait un espace d’expression au travers de conférences et d’expositions.
L'ARCHIVE.
Nous sommes le 15 décembre 1989, le lendemain de la mort de Sakharov, et le journal de 13h00 d'Antenne 2 lui consacre une grande partie de ses sujets. Un reportage à base de documents d'archives retrace les six années d'exil qu'il a passé en résidence surveillée à Gorki, de 1980 à 1986.
En plateau, Patricia Charnelet débute ainsi : «Sakharov est mort comme il a vécu, en combattant. Ces dernières paroles ont été : demain il y aura une autre bataille. Il écrivait d'ailleurs un discours réclamant la suppression du rôle dirigeant du Parti communiste. Et en tant que député du Congrès, il avait à plusieurs reprises interpellé et critiqué Mikhaïl Gorbatchev.»
Jacques Merlino retrace ensuite en images le parcours du plus célèbre dissident soviétique : «En 1984, Andrei Sakharov est filmé clandestinement pendant son exil dans la résidence forcée de Gorki, interdite aux étrangers. Sakharov avait créé dans les années 60, avec sa femme Elena Bonner, le comité pour la défense des droits de l'Homme. Il devient alors l'incarnation de la dissidence intérieure soviétique.»
Il décrit ensuite la stature dont Andrei Sakharov, inventeur de la bombe à hydrogène soviétique, avait bénéficié. Notamment la reconnaissance du régime, avec la remise du prix Staline en 1969 : «En s'opposant au pouvoir, il a été en but à toutes les vexations. Refusant de se taire, il enchaîne plusieurs grèves de la faim.»
Le journaliste décrit les conditions de sa réhabilitation : «Mikhaïl Gorbatchev, arrivant au pouvoir, attendra un an et demi pour lui permettre de rentrer à Moscou. Il est élu en juin 1989 comme député au Soviet suprême. Ce qui n'a pas empêché de s'accrocher comme lors de cette séance du 12 décembre 1989 où Andrei Sakharov demandait que l'on supprime le monopole du parti communiste.» Propos illustré des images de l'échange musclé entre les deux hommes au Congrès des Députés du Peuple : il lui donne des télégrammes réclamant la suppression du rôle dirigeant du Parti communiste.
Le journaliste conclut : «Il devait reprendre la parole aujourd'hui. Andrei Sakharov a trouvé la mort à la suite d'un arrêt du coeur, alors qu'il préparait son discours.»
Andreï Sakharov interviewé par Christine Ockrent, le 9 décembre 1988
Sa biographie
Né en 1921, Andreï Sakharov commence sa vie comme physicien nucléaire soviétique. Il est l'inventeur de la bombe à hydrogène soviétique (la bombe H). Dès 1958, le chercheur s'inquiète des conséquences de ses travaux sur l'avenir de l'humanité. C'est le début de sa prise de conscience. Il tente d'alerter sur le danger de la course aux armements nucléaires. Il obtiendra la signature du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 1968. En 1967, il critique ouvertement la politique soviétique à l'égard des dissidents et commence à publier clandestinement.
En 1974, lors d'une conférence de presse organisée par ses soins auprès de la presse étrangère – et ce malgré l'interdiction des autorités – il évoque le danger d'une "URSS sur-militarisée entre les mains d'une bureaucratie officielle d'État". Une prise de position couronnée par un prix Nobel de la paix, en 1979. Interdit de visa, c'est son épouse qui vient recevoir le prix à Oslo et prononcer son discours.
Trop dérangeant pour les autorités de son pays, à la fin de 1979, elles lui retirent ses privilèges et ses fonctions. Il est déchu de ses distinctions honorifiques pour être finalement arrêté à Moscou le 22 janvier 1980. Sans procès, il est assigné à résidence dans la ville close de Gorki. Étroitement surveillé par le KGB, il y restera de 1980 à 1986.
Pendant que l'Occident réclame sa libération, le dissident entame deux grèves de la faim qui vont l'affaiblir.
C'est finalement la nouvelle politique dite de la glasnost qui va amener le nouveau pouvoir soviétique à le libérer de son exil en 1986. Il rentre à Moscou. Réhabilité et libre, il reprend son combat : il est élu en 1988 au présidium de l'Académie des sciences. En mars 1989, il est élu à la nouvelle Chambre de l'Union soviétique, le Congrès des députés du peuple. Son dernier coup d'éclat est filmé par la télévision nationale peu avant sa disparition dans cette enceinte : Il réclame l'abrogation de l'article 6 de la Constitution de l'URSS, pivot du régime de parti unique. Gorbatchev répond que cela n'est pas possible. S'ensuit un échange où le maître du Kremlin, visiblement dépassé, tente d'éteindre la polémique. (Ce sont les images diffusées dans le JT de 20h00)
Pour aller plus loin
Journal de 20h00 de TF1 : Portrait d'Andreï Sakharov (22 janvier 1980)
Journal de 20h00 d'Antenne 2 : Le quotidien allemand Bild zeitung annonce que l'URSS serait prête à libérer les 2 dissidents Sakharov et A. Tcharansky, en échange d'espions. (31 octobre 1985)
Journal de 20h00 d'Antenne 2 : interview d'Andreï Sakharov à Paris. Il exhorte la France de demander à l'Irak de cesser ses exactions contre les Kurdes irakiens. (9 décembre 1988)
Journal de 20h00 d'Antenne 2 : 40e anniversaire de la Déclaration des droits de l'Homme en présence d'Andreï Sakharov et de Lech Walesa : "monuments vivants de ce combat." (10 décembre 1988)
Journal de 20h00 d'Antenne 2 : 40e anniversaire de la Déclaration des droits de l'Homme en présence d'Andreï Sakharov et de Lech Walesa. Discours de François Mitterrand : "L'oppression se nourrit du silence."