Le 16 juin 1985, la veille de son décollage pour l'Espace, le Soir 3 proposait de découvrir l'homme qui allait s'envoler le lendemain pour une mission spatiale à bord de la navette américaine Discovery. Son nom : Patrick Baudry. Un militaire de l'armée de l'air recruté par le Centre National d'Études Spatiales en 1980 pour former le premier groupe de cosmonautes français, aux côtés de Jean-Loup Chrétien. Ensemble, jusqu'en 1982, ils allaient suivre l'entraînement des cosmonautes soviétiques sur les programmes Soyouz et Saliout à la Cité des étoiles, près de Moscou. En mars 1984, Patrick Baudry rejoindra le corps des astronautes de la NASA, basé à Houston au Texas, afin de préparer le premier vol spatial franco-américain.
A quelques jours de sa mission, les caméras de FR3 le retrouvent donc chez lui, dans la région bordelaise. Le discret militaire se prépare avec sérieux à quitter la Terre, mais sans pour autant oublier les plaisirs terrestres, ses amis et la douceur de la vivre. Son objectif premier reste bien sa forme physique. Pour cela rien de mieux qu'un jogging dans les vignes…
"Il vaut mieux avoir un bon entraînement physique, régulier, pas trop dur, qui donne un bon équilibre physique pour résister à tous les problèmes de l'apesanteur (…) difficiles pour le système cardio-vasculaire", précise-t-il. Une parenthèse sportive visiblement à son goût : "C'est un régal !"
"L'armée, c'est ma famille"
Mais Patrick Baudry est avant tout un militaire, un ancien pilote de chasse. Il est très fier de ce passé militaire qu'il décrit avec émotion : "l'armée, c'est ma famille. Moi j'ai été en unité opérationnelle jusqu'à l'âge de 31-32 ans [à l'époque, il a 39 ans], et ça a été les meilleures années de ma vie."
"Le vin c'est toute une vie"
Autre point d'intérêt du futur héros des étoiles : le vin. Dans un chai, en pleine dégustation, il précise : "Je suis un amateur, et un amateur dans le sens vrai du terme. Tout ce qui entoure le vin m'intéresse. Le vin c'est toute une vie. Ce sont des gens qui s'en occupent et c'est ce que nous ont légué nos parents, nos arrière-grands-parents."
La gastronomie fait aussi partie des petits bonheurs qu'il aime alors partager, en gourmet. Il confie : "je crois que la gastronomie, ça fait partie de la culture, au même sens que la littérature…".
"On se battait avant d'aller coucher pour prendre le dernier Tintin..."
Chez lui, il adore se plonger dans sa collection de Tintin, un souvenir toujours vivace de sa jeunesse, "j'ai beaucoup de souvenirs où Tintin était présent… avec les cousins, les parents (…) on se battait avant d'aller coucher pour prendre le dernier Tintin qui venait de sortir". Evidemment, en première place, "Tintin a marché sur la Lune". Le spationaute est un grand lecteur, il avoue sa passion pour Balzac ou pour Arthur Clark, "un auteur que je trouve le plus fantastique".
"Voler c'est la liberté"
De retour aux manettes d'un avion à l'occasion du reportage, le pilote nous entraîne dans les cieux et nous fait goûter aux joies des loopings tout en évoquant sa passion des airs : "voler, c'est ma vie pratiquement. D'abord c'est un métier que l'on doit apprendre, ce qui est long et difficile. Ce que j'ai eu la chance de faire dans les meilleures conditions au monde, au sein d'une armée, comme l'Armée de l'Air française. Et ensuite, c'est aussi réellement un plaisir, un besoin, une envie. Et voler c'est un petit peu la liberté, qu'on vole dans l'air ou dans l'espace." Il confie cependant avoir déjà connu la peur en vol, "il y a de situations où la peur c'est un réflexe mais ça ne dure jamais longtemps (…) l'essentiel, c'est que ça ne dure pas et que ce soit passager".
"Vous pourriez vivre sans toucher un avion ?", lui demande le journaliste pour conclure le sujet.
"Il faudrait essayer, je ne garantis pas la réussite", plaisante celui qui devait rejoindre l'espace le lendemain, pour une semaine, dans l'espace dans le cadre de la mission STS-51-G sur Discovery.
Le lancement se déroule sans encombre le 17 juin 1985, au départ de Cap Canaveral au Kennedy Space Center en Floride. Patrick Baudry y est spécialiste charge utile. Sa double casquette de cosmonaute entraîné par les soviétiques à la Cité des étoiles et comme astronaute avec les Américains, lui a donné une vision globale des deux programmes qu'il décrira en 1986 dans un ouvrage intitulé En direct de l'espace.
Pour aller plus loin
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Youri Gagarine : 1er homme dans l'espace (Article)
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Florence Dartois