14 juillet 1974. Valéry Giscard d'Estaing, tout juste élu président de la République le 27 mai, décide d'opérer un changement majeur dans la tradition du défilé militaire du 14 juillet. Celui-ci, instauré par la IIIe République en 1880, s'est tenu presque sans discontinuer sur les Champs-Élysées après la Première Guerre mondiale. Avant, la revue avait le plus souvent lieu sur l'hippodrome de Longchamp, au bois de Boulogne.
En 1945, un an après la Libération de Paris, la Bastille est certes le cadre du premier défilé de l'Après-guerre, mais la place partage cet honneur avec les Champs-Élysées qui voient descendre les unités motorisées. Cette expérience ne sera pas reconduite puisque dès 1946 les Champs-Élysées reprennent leur rôle traditionnel d'accueil de tout le défilé.
Délocalisation à Bastille
Jusqu'en 1974 donc, où le jeune président souhaite rapprocher le défilé des quartiers plus peuplés et plus populaires de la capitale, et marquer bien entendu la symbolique républicaine d'un défilé sur le lieu même de la prise de la Bastille, qui eut lieu le 14 juillet 1789.
Le document que nous présentons en tête d'article montre, sur de très belles images en couleur et sans commentaire, le défilé militaire exceptionnellement à pied et sans véhicules. Un an après la crise pétrolière de 1973, l'heure était aux économies d'énergie.
Comme l'explique cette autre archive ci-dessous et diffusée le 13 juillet, le président passe d'abord en revue les troupes sur le quai de Montebello, dans le 5e arrondissement, puis via le boulevard Henry IV, remonte jusqu'à la place de la Bastille, où il dépose une gerbe aux pieds de la colonne de Juillet, monument sur la place de la Bastille qui commémore, non pas la révolution de 1789, mais les 3 Glorieuses de la Révolution de 1830, dite « de Juillet ». Ensuite, le président prend place sur la tribune officielle installée place de la Bastille. Le défilé emprunte ensuite le boulevard Beaumarchais pour se terminer place de la République, d'où les différentes unités rejoignent leurs véhicules pour évacuer le centre de Paris.
Reconnaissance du parcours
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Ce microtrottoir ci-dessous et enregistré également la veille, 13 juillet, auprès des habitants du quartier, montre des avis partagés, entre ceux qui trouvent quand même que les Champs-Élysées « c'est plus grandiose » et ceux qui sont contents de voir cette fête sous leurs fenêtres, le même exercice, réalisé le jour même du défilé, recueille une salve d'avis favorables, où pointe l'émotion des habitants du quartier : « ça met une touche de gaieté, chose qui manquait à la Bastille avant » déclare un monsieur.
Un autre spectateur trouve l'expérience intéressante : « c’est autre chose, tout à fait autre chose, c’est pas mal. La présence du personnel montre que la France est encore très vivante ! » Un ancien résistant qui assiste lui aussi au défilé abonde en ce sens : « Mais oui c’est beaucoup mieux ici. Parce que c’est beaucoup plus démocratique, plus républicain, la question ne se pose pas. [...] ça représente énormément de choses [pour moi], j’ai souffert pendant la résistance. » Même émotion perceptible chez cet autre spectateur : « Ce que ça représente pour moi ? Je peux pas vous dire, j’en suis tout bouleversé, c’est une liberté qu’on a eue. C’est formidable ! »
Le nouveau 14 juillet 1974
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Les défilés suivants sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing continueront dans l'innovation du parcours, au cours de Vincennes en 1975, de République à Bastille en 1979. Mais c'est finalement le défilé des Champs-Élysées qui reprend ses droits en 1976, 1978 et 1980, un cadre qui sera pérennisé par les présidents successifs, jusqu'à aujourd'hui.