Lancé par un collectif d'auteurs parmi lesquels René Goscinny, Jean-Michel Charlier, Albert Uderzo, Raymond Joly et Jean Hébrard, le premier numéro du journal Pilote contient dans ses pages la première histoire du héros le plus célèbre de la BD française, Astérix le Gaulois. C'est bien pour le lancement du journal que René Goscinny et Albert Uderzo ont imaginé l'univers d'Astérix et Obélix, moins de deux mois avant sa parution.
René Goscinny, directeur du journal, ouvre ses pages à de nombreux auteurs, faisant de Pilote le journal de référence de la BD française. Le journal se veut « sérieux » dans sa rédaction et sa mise en forme, tout en laissant la place à la créativité et à l'humour débridée qui caractérisent ses auteurs et font la renommée, souvent, de ses histoires.
René Goscinny, ici interviewé en 1975, estime que c'est à partir de la parution d'Astérix que la BD s'est transformée en France : « les adultes ont alors avoué qu'ils lisaient la BD, ils la lisaient déjà avant, mais avec Astérix c'est entré dans les moeurs, les gens en parlaient d'une façon qui pour une fois n'était pas péjorative ». En d'autres termes, il estime alors que c'est l'extraordinaire réussite du personnage du héros gaulois et de son univers déjanté, plus que son propre rôle de directeur du journal Pilote, qui a véritablement « révolutionné » la BD.
En 1981, le dessinateur Franquin, créateur de la série Spirou, rappelait le rôle essentiel de Goscinny dans l'évolution de la BD française, à travers le journal Pilote et le personnage d'Astérix.
« [Avant Astérix], la BD était pour enfants, il fallait les ménager. Goscinny n'avait pas du tout cette mentalité, il avait fréquenté aux Etats-Unis les gens de Mad, et il voulait faire en rentrant en France une BD pour tous. Il a essayé des styles nouveaux, grâce au succès d'Astérix, il a fait des essais [dans Pilote] qu'un éditeur n'aurait pas osés faire. [...] Il a donc [...] imposé des styles auxquels on était pas habitués, et auxquels on a peut être mis du temps à s'habituer, par exemple aux dessins d'un Fred, qui ne ressemblait pas du tout à ce langage universel qui venait de Disney, d'Hergé ».
L'aventure du journal Pilote, qui rassemblera pendant des décennies la fine fleur de la BD française, prenait fin en octobre 1989.