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«Pour faire avancer les mathématiques, il faut une très grande audace»

«Pour faire avancer les mathématiques, il faut une très grande audace»

Mardi 5 juillet, à Helsinki, le Français Hugo Duminil-Copin, 36 ans, a reçu la prestigieuse médaille Fields. Il s'agit du treizième Français à recevoir la plus haute récompense mondiale de l'univers des mathématiques. Le premier, c'était Laurent Schwartz, en 1950. En 1967, ce dernier confiait à l'émission «Un certain regard» à quel point l'avancée dans la recherche mathématique pouvait découler de brefs instants, d'«éclairs».
 

Par la rédaction de l'INA - Publié le 06.07.2022
 

Le 16 avril 1967, le mathématicien Laurent Schwartz est interviewé dans le cadre de l'émission «Un certain regard». Dix-sept ans plus tôt, en 1950, il est devenu le premier Français à remporter la prestigieuse médaille Fields, l'équivalent pour les mathématiques du prix Nobel, et décernée tous les quatre ans depuis 1936. C'est pour ses travaux sur la théorie des distributions que ce professeur à l'école polytechnique et futur membre de l'Académie des sciences (il le devient en 1975) se voit décerner cette récompense.

Dans cette archive de 1967, placée en tête d'archive, le mathématicien évoque la brièveté du processus créatif dans le domaine scientifique, et mathématique en particulier : « Il y a eu une nuit déterminée où j’ai eu conscience, en une heure ou deux, de résoudre une quantité de problèmes qui m’intéressaient depuis longtemps, et dont j’avais d’un seul coup la solution. Ceci est d’ailleurs extrêmement fréquent, je crois bien que c’est le mathématicien Harald Bohr qui, répondant à un journaliste qui lui demandait quel était le temps qu’il avait consacré à la recherche dans sa vie, avait répondu : "un quart d’heure!" Il voulait dire par là que le temps de la découverte est vraiment très bref et que la plus grande partie du temps est occupée à mettre en ordre des idées qui souvent ont été trouvées dans un temps très bref. Il y a des éclairs. Et ceci est très fréquent je crois pour beaucoup de mathématiciens. Ça n’empêche pas néanmoins le travail régulier d’écriture et de mise au point de jouer aussi un rôle extrêmement important.»

Audace et concept

Plus que la brièveté, la créativité peut même reposer sur l'involontaire : « Je dois dire que presque toutes les fois qu’il m’est arrivé de trouver quelque chose d'intéressant, je ne l’avais pas cherché. Je cherchais quelque chose et je trouvais autre chose d’imprévu. Je crois que dans le processus de la découverte, il y a beaucoup de levers d’inhibition [...] Pour faire avancer les mathématiques, il faut une très grande audace. Il faut changer toute une série de concepts, [...] toute une série de préjugés acquis, il est nécessaire d’être mentalement très audacieux et par conséquent mentalement très jeune. » Si pour Laurent Schwartz « l'expérience est bien entendu utile dans le domaine des mathématiques », elle a « aussi des aspects négatifs », « étant donné que le langage mathématique, les conceptions des mathématiques changent beaucoup », confie t-il à la caméra de l'ORTF : « Celui qui a de l’expérience a aussi tendance à conserver des formes de pensée mathématique déjà dépassées, plus que dans d’autres sciences, aussi la jeunesse de la création mathématique a-t-elle toujours été remarquée et certainement que c’est probablement entre 25 et 35, 40 ans, que les mathématiciens sont les plus créateurs

La médaille Fields récompense tous les quatre ans des mathématiciens de moins de 40 ans. Les trois autres lauréats cette année sont l'Ukrainienne Maryna Viazovska, l'Américano-Coréen June Huh et le Britannique James Maynard.

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