Aller au contenu principal
« Je me sens en marge de l'Église » : dans les archives, des catholiques homosexuels témoignent 

« Je me sens en marge de l'Église » : dans les archives, des catholiques homosexuels témoignent 

Lundi 18 décembre, le Vatican a publié un texte dans lequel il autorise officiellement la bénédiction des « couples de même sexe » par l'Église catholique. Une ouverture majeure qui devrait permettre aux personnes homosexuelles une meilleure intégration. Un vœu depuis longtemps exprimé par les concernés.

Par la rédaction de l'INA - Publié le 20.12.2023
 

L'ACTU.

Lundi 18 décembre, le Vatican a annoncé autoriser la bénédiction des « couples de même sexe », actant ainsi l'ouverture de l'Église catholique engagée par le pape François. Selon Télérama, ce revirement est notamment dû au « militantisme des catholiques LGBT » qui « a pu s’exprimer mondialement à l’occasion des grandes discussions sur l’avenir de l’Église dans le cadre d’un synode qui prendra fin en octobre 2024 ».

En parallèle, l'opposition de l'institution au mariage pour les couples gays et lesbiens de l'Église a été réaffirmée. Il faudra ainsi que la bénédiction des couples homosexuels soit faite dans des termes qui ne puissent être confondus avec ceux du mariage.

Cette nouvelle reste une avancée majeure pour les personnes catholiques et LGBT, permettant d'espérer une meilleure intégration au sein de leur religion.

LES ARCHIVES.

« Ce que je recherche, c'est une Église où je puisse vivre de façon transparente et être accueillie tel que je suis. » Comment concilier son homosexualité et sa foi quand l'Église catholique rejette cette identité ? Dans nos archives, plusieurs croyants témoignent à ce sujet.

L'une des premières, c'est Martine, en 1989. Elle était membre de l'association LGBT chrétienne David et Jonathan fondée en 1971 à Paris et qui s'engageait pour que l'Église reconnaisse les mêmes droits aux catholiques homosexuels et bisexuels qu'aux hétérosexuels. Elle confiait dans l'archive en tête d'article : « On ne peut pas éviter de vivre une vie homosexuelle quand on est homosexuel, on est bien obligé de vivre ce qu'on est. Il faut d'abord se reconnaitre tel que l'on est. Ensuite, voir comment ce qu'on est, on peut essayer de vivre dans le domaine de la foi ».

En tant qu'homosexuelle dans l'Église catholique, ajoutait-elle, « il y a des choses auxquelles nous n'avons pas encore le droit. Notamment dans les problèmes du couple homosexuel, qui n'est pratiquement pas reconnu comme un couple ». Et d'expliquer le rôle de son association : « Nous nous sommes réunis pour voir comment vivre l'homosexualité et la foi et surtout comment interpeller l'Église à l'époque qui n'acceptait absolument pas une vie homosexuelle. »

Martine était interrogée par France 3 Haute-Normandie alors que l'évêque d'Évreux Monseigneur Gaillot (par ailleurs relevé de ses fonctions en 1995 pour ses prises de position non orthodoxes) avait de nouveau défendu la cause homosexuelle dans le magazine Globe, comme le mentionnait l'archive. À l'époque, son soutien aux personnes homosexuelles faisait grand bruit. Il est « très courageux en prenant la parole pour nous permettre de nous exprimer », commentait Martine.

Au-delà des prises de position de Mgr Gaillot, la télévision s'est principalement intéressée à la situation des catholiques LGBT en 2012, lors des débats sur le mariage pour tous. Un moment décrit à l'époque et a posteriori comme particulièrement violent pour les membres de la communauté en raison de la véhémence de l'opposition à ce projet de loi, notamment de la part des membres l'Église. Dans l'archive ci-dessous, France 3 avait rencontré ces « homosexuels catholiques pratiquants » parmi lesquels « beaucoup se disent blessés par les prises de position de l'Église sur cette question ».

Jean-Marc était né dans une famille catholique, racontait le commentaire, mais était devenu anglican à l'approche de la quarantaine, « la pression était trop forte ». Avant, « je vivais caché » expliquait le jeune homme. Et d'ajouter : « Ce que je recherche, c'est une Église où je puisse vivre de façon transparente et être accueilli tel que je suis. C'est ça que j'ai trouvé dans cette Église-là que je n'ai pas trouvé dans l'Église catholique. »

Michel et Dominique, eux, se considéraient comme « une chance pour l'Église ». Mais Michel précisait : « Ma foi est directe avec Jésus, avec l'Évangile, avec Dieu, la hiérarchie ne me concerne pas trop. Je me sens en marge de l'Église catholique, c'est obligatoire. » Et Patrick Sanguinetti, de l'association David et Jonathan, d'ajouter : « Pourquoi est-ce qu'on nous rejette alors qu'on devrait nous accompagner ? L'Église devrait nous aider à mieux aimer plutôt que de nous dire qui aimer. ».

« Je crois qu'il faut malheureusement prendre du recul vis-à-vis du discours de l'Église et revenir aux textes fondateurs »

En 2006, « Théo », le magazine des religions de France Inter invitait François Laylavoix, porte-parole de l'association David et Jonathan. L'archive sonore est disponible ci-dessous. Il évoquait d'abord la position de l'Église sur l'homosexualité : « L’Église catholique porte un jugement très sévère sur l'homosexualité puisqu'elle la classe dans le catéchisme comme les péchés contrairement à la chasteté et ses péchés, comme l'adultère, (...) sont, pour l'Église, l'expression du vice et de la luxure ».

Il précisait : « Jusqu'à une époque récente, l'Église ne condamnait que les actes. Cependant, récemment, on a vu que même les personnes étaient visées puisque la dernière instruction sur la formation des séminaristes exclue les personnes ayant des tendances homosexuelles des séminaires et les empêche d'accéder à la prêtrise. Il y a donc là un jugement qui ne porte plus sur les actes, mais sur l'orientation sexuelle. » Avant cela, ils pouvaient choisir le célibat et entrer en prêtrise. Et de donner sa position : « L'Église porte un discours un peu hypocrite quand même, puisqu'elle dit qu'elle dit que les homosexuels doivent être accueillis dans l'Église avec compassion et charité, mais à condition bien entendu qu'ils renoncent à leur vie sexuelle et affective. Ce qui est quand même une drôle de façon d’accueillir les personnes ».

« Alors comment vivre sa foi ? », demandait le journaliste. « Je crois qu'il faut malheureusement prendre du recul vis-à-vis du discours de l'Église et revenir aux textes fondateurs, c'est-à-dire aux Évangiles, où il n'est pas absolument pas question d'homosexualité d'une part et où d'autre part la grande morale est d’accueillir l'autre et surtout les exclus et de les prendre tel qu'ils sont. C'est un retour aux valeurs fondamentales de l'Évangile que nous devons faire pour pouvoir nous situer à l'aise dans notre peau et dans l'Église. »

L'homosexualité
2006 - 03:00 - audio

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.