Félix Leclerc, né en 1914 et mort en 1988, fut l'un des plus grands musiciens québécois. Il fut même plus que cela : en inspirant Georges Brassens et Jacques Brel par ses succès parisiens au début des années 1950, il inspira le renouveau de la chanson française à texte. Mais s'il reste aujourd'hui tellement populaire au Québec, c'est aussi pour son combat pour la défense de la culture francophone dans une région partagée entre ses racines françaises et son appartenance au Canada anglophone.
Félix Leclerc est connu dans l'Hexagone depuis ses premières tournées musicales au début des années 1950. L'impresario Jaques Canetti lui avait alors fait partager l'affiche des concerts d'Edith Piaf ou des Compagnons de la Chanson. Sa carrière internationale était lancée, et son succès ne se démentirait plus. Revenant régulièrement en France, le « Canadien », comme l'appelle la scène artistique parisienne, joue à la guitare ses chansons à texte, où sa poésie fait merveille pour décrire la palette des sentiments humains, mais aussi la réalité sociale de son pays.
Son pays, ou plutôt sa province, le Québec, qui vit en ces années 1960 de « Révolution tranquille » une modernisation économique allant de pair avec un éveil du sentiment identitaire francophone.
Félix Leclerc en 1967 sur le plateau de « Bienvenue »
Un amoureux de la langue française, à l'instar de ses compatriotes québécois, qui trouve lors d'une invitation dans l'émission « Bienvenue », en 1967, la formule idéale qui dépeint son état d'esprit. Entouré de jeunes qui l'écoutent évoquer son rapport à la France, il se voit poser par Guy Béart la question de savoir ce qui le dérange le plus dans notre pays. Le Québécois de répondre que c'est « la langue...anglaise » ! Rires du public, amusé par sa boutade. S'ensuit l'énumération des mots anglais qui s'introduisent, à son grand déplaisir, dans notre pratique du français.
L'année 1967 est celle du fameux « Vive le Québec libre ! », prononcé par le général de Gaulle en juillet au balcon de l'hôtel de ville de Montréal. La période de la « Révolution tranquille » (années 1960), culmine avec la crise d'octobre 1970, lorsque le Front de libération du Québec (FLQ) kidnappe un diplomate anglais et assassine un ministre québécois afin de revendiquer l'indépendance de la province.
Sur demande des autorités québécoises, l'armée canadienne est déployée dans les rues en vertu de la loi sur les mesures de guerre.
Félix Leclerc est à ce moment-là sur l'île d'Orléans, à Québec. Il est témoin de la présence inédite des soldats canadiens dans les rues des villes québécoises. Une situation qui renforce son analyse politique d'un Québec inféodé au Canada anglophone, qu'il exprimera avec précision dans ses chansons L'Alouette en colère et La nuit du 15 novembre.
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