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Le 11 septembre 1973 au Chili : le jour où Augusto Pinochet a renversé Salvador Allende

Le 11 septembre 1973 au Chili : le jour où Augusto Pinochet a renversé Salvador Allende

Il y a 50 ans, le 11 septembre 1973, le Chili basculait dans une dictature militaire. Le palais présidentiel était bombardé, le président Allende trouvait la mort. Le général Augusto Pinochet prenait le pouvoir et organisait une répression d'ampleur. Retour sur ce pan tragique de l'histoire chilienne.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 05.09.2008 - Mis à jour le 08.09.2023
 

L'ACTU.

Lundi 11 septembre, le Chili commémore les 50 ans du coup d'État qui a mené Augusto Pinochet au pouvoir et au cours duquel le président Salvador Allende trouva la mort. Jusqu'en 1990, le commandant en chef des Forces armées chiliennes imposa une dictature militaire dans ce pays d'Amérique du Sud.

Ces commémorations arrivent à un moment tendu de la politique chilienne, en pleine traversée d'une polarisation de sa vie politique. Ainsi, note El Pais, seul un habitant sur quatre se dit intéressé par les événements du lundi 11 septembre. 70 % pensent par ailleurs que ces commémorations divisent les Chiliens. Enfin, près de 40 % pensent que le président Salvador Allende et son gouvernement furent responsables de coup d'État, 30 % croient en la responsabilité des forces armées et 30 % des États-Unis par l'intermédiaire de la CIA (question à choix multiples).

LES ARCHIVES.

« Le Chili. L'expérience du socialisme dans la légalité a été brisé par l'armée. » Le 12 septembre 1973, au lendemain du coup d'État mené par la junte militaire au Chili, le journal de 20h revenait sur les événements dans un sujet détaillé disponible en tête d'article. Le présentateur notait, avec le ton grave approprié aux événements d'envergure mondiale : « La semaine dernière Salvador Allende disait : "Il n'y aura pas de coup d'État et nous éviterons la guerre civile". Les événements lui ont donné tort. Il a préféré se sacrifier, peut-être pour éviter précisément la guerre civile. »

À l'écran, les premières photos en provenance de Santiago du Chili : des militaires armes à la main, des tanks sur la place de la Constitution et le palais présidentiel en proie aux flammes. « Quelques instants plus tard l’assaut fut donné par l'armée de Terre qui devait découvrir sur un canapé le corps du président Allende qui s'était tué d'une balle dans la tête », commentait le journaliste. « L'armée chilienne a pris possession du pays en moins de cinq heures ». Et rapidement, les militaires proclamaient l'état de siège et la loi martiale. « La télévision, la radio sont tombés entre les mains des auteurs du coup d'État, peu de temps après que le président Allende a diffusé son dernier appel a la mobilisation de la classe ouvrière. » Le lendemain, annonçait le journaliste, « le calme est en grande partie revenu dans la capitale chilienne. » Le nouveau chef du Chili s'appelait désormais Augusto Pinochet.

Réforme agraire, nationalisation du cuivre et inflation

« Le Chili a connu avec le Président Allende un printemps tout comme celui de Prague, mais comme en Tchécoslovaquie, la riposte a été foudroyante : Allende était une menace dans une Amérique latine traditionnellement anti-démocratique. » Né en 1908 à Santiago du Chili, Allende avait participé à la fondation de Parti socialiste, était élu député à 30 ans, puis nommé Ministre de la Santé, plus tard sénateur. Et puis, en 1970, il était élu président. « Pour la première fois, un gouvernement révolutionnaire est porté au pouvoir légalement, expliquait le commentaire. Ce souci du légalisme, Allende, au plus fort de la tempête le respectera coûte que coûte. »

Son programme était ambitieux. « À peine arrivé au pouvoir, Allende entreprend toute une série de réformes. Décembre 1970, c'est le début des expropriations des grands domaines. Cette révolution agraire va s'avérer un échec, les paysans eux-mêmes ne comprendront pas bien tous ces changements qui n'influent guère sur leurs conditions de vie. 1971 : c'est la période des nationalisations, celle du cuivre, confrontera directement Allende aux États-Unis et les Américains qui déjà voyaient d’un œil critique l'instauration d'un régime populaire en Amérique latine ne lui pardonneront jamais d'être mis à la porte. »

Sa politique ne permit pas de résorber la crise économique et financière qui prenait en grippe le pays, « aggravé par des grèves sans fin comme celle des camionneurs. » L'année 1973 au Chili avait été marquée par une inflation galopante : 323 %. Et, la politique de nationalisation du président socialiste Salvador Allende attisa les foudres des catégories sociales aisées, notamment les grands propriétaires. Farouchement opposés aux orientations économiques du Président, les petits commerçants, à leur manière, expriment leur mécontentement, en stockant les marchandises de première nécessité. La pénurie gagnait. À cette banqueroute économique s'ajoutait l'agitation de la droite politique qui demande le départ du président. Dans une interview donnée à des journalistes français peu avant sa mort et disponible en fin d'article, Allende dénonçait ainsi une opposition fascisante.

Conclusion pour le journaliste, dont le propos rendait hommage au président défunt, Allende avait déjà tout d'un mythe. « Son suicide est ainsi peu surprenant. En agissant ainsi le docteur Allende a sali ce putsch militaire et a peut-être sauvé son pays de la guerre civile. »

Un coup d'État en pleine Guerre froide

Cette prise de pouvoir chaotique fut saluée à la fois par les nantis chiliens, les partis de droite et les États-Unis. La junte militaire est celle qui a su « extirper le marxisme du Chili », détruire un bastion communiste en zone d'influence américaine. Et ceci dans un contexte de guerre froide. Les événements firent réagir la planète entière. Comme le montrait le sujet ci-dessous, « à Washington, officieusement, on est plutôt satisfait, mais officiellement pas de commentaires, car on veut éviter les sous-entendus d'une intervention américaine. À Moscou, ou l'on n'a pas toujours suivi d'un très bon œil cette initiative du président Allende, c'est tout de même la tristesse et la condamnation du putsch avec netteté ». Le cours du cuivre n'avait pas tardé à remonter.

En France, François Mitterrand rendait hommage à Salvador Allende, saluant « une démocratie sans reproches ». Il notait : « Il est d'autant plus remarquable que dans un socialisme de la pénurie succédant à un capitalisme d'oppression et de misère ce socialisme ait préservé les libertés jusqu'à en être la victime ».

Au Chili, la politique communiste laissa dès lors place à une dictature militaire. Deux jours après le coup d’État, la junte dissolvait le Congrès, suspendait la Constitution et interdisait les partis politiques, y compris ceux qui avaient acclamé le putsch. Pinochet décidait de régner par la terreur. Les militants de l'unité populaire, les libéraux sont pourchassés, déportés ou exécutés. Les différents témoignages laissaient entrevoir la sévérité et l'inhumanité de la répression. Un an après ce coup d’État, la junte levait l'état de guerre. Augusto Pinochet dira : « On a beaucoup exagéré le nombre des victimes, au plus il y en a 200 ». Selon la Commission vérité et réconciliation de 1991, la dictature aurait fait 2 279 morts et disparus, près de 27 255 personnes torturées. En 2011, ces chiffres étaient revus à la hausse, portant à 38 000 le nombre de personnes torturées.

Quelques jours avant le coup d'État, des journalistes français avait interrogé le président Allende, dans ce qui fut surement l'une de ses dernières interviews. Il y évoquait une opposition à la teinte de plus en plus fasciste.

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