La vie d'Antoine Leiris a basculé le 13 novembre 2015. Sa femme, ce soir-là, était au Bataclan, et elle n'est jamais revenue de ce concert. Quelques jours plus tard, il a publié sur les réseaux sociaux une lettre bouleversante qui a fait le tour du monde, "Vous n'aurez pas ma haine", qui deviendra le titre de son premier livre.
Le 4 avril 2016, le journal de 20 heures de France 2 diffusait son témoignage. Dans son texte, aucune colère mais de l'amour. Il y décrit son combat pour ne pas se laisser envahir par la haine. Dans cette longue interview, le journaliste revient avec des mots très forts sur son parcours et l'évolution de ses sentiments après la perte de son épouse.
"Ne pas se laisser guider par ce sentiment animal de colère..."
Antoine Leiris commence par raconter la genèse de ce texte, d'abord écrit pour son fils : "D'abord parce que j'ai un enfant. Je souhaite qu'il grandisse, qu'il puisse être heureux, malheureux aussi. Qu'il puisse être un enfant comme les autres… La colère et la haine empêche le cerveau de comprendre et d'avancer, ça brouille la lucidité et je voulais qu'on garde tous les deux cette lucidité car on va avoir beaucoup d'épreuves à affronter et qu'il ne faut pas se laisser guider par ce sentiment animal de colère". Antoine Leiris explique ensuite pourquoi il a délibérément choisi de se désintéresser des terroristes : "M'intéresser à eux, ce serait leur laisser une place dans mon cœur qui est dédiée à Hélène".
Une force intérieure émane de lui, lui la considère plutôt comme un refus "de se laisser aller à la faiblesse" et de faire face à ce qui allait être le reste de sa vie : l'absence de la femme de sa vie et de la mère de son fils Melvil.
Continuer à vivre
Comment parler de la mort à un enfant ? Son choix a été de dire très vite à son fils que sa maman était morte, plutôt que "disparue", "au ciel" ou "décédée", pour ne pas laisser l'impression qu'elle allait revenir : "Elle est un souvenir qu'on a en nous très vivant, mais la réalité, c'est que son corps est mort, qu'elle a arrêté de vivre". Antoine Leiris évoque ensuite la réorganisation du quotidien et du lent retour à la vie, aux choses simples, avec des "rires vrais", comme ceux qu'ils avaient avant le drame. Une sorte d'hymne à la légèreté.
Pour conclure l'entretien ces simples mots : "Oui ça va mieux. Ça va mieux". Deux ans après les faits, cet essai humaniste édité chez Fayard en avril 2016, était adapté pour le théâtre. Il sera joué au Théâtre du Rond-Point. Mise en scène de Benjamin Guillard, avec Raphaël Personnaz, composition musicale Yaron Herman.