"Désarmer les marchés"
L'idée de cet organisme est née dans un article d'Ignacio Ramonet dans le numéro de décembre 1997 du journal Le Monde diplomatique. Dans son éditorial intitulé "Désarmer les marchés", Ignacio Ramonet constatait que la mondialisation financière créait un Etat dans l'Etat, capable de désorganiser les économies nationales, au-dessus des principes démocratiques. Par pression, les marchés pouvaient dès lors influencer les États, les forcer à s'endetter, exiger des entreprises qu'elles leur reversent des dividendes de plus en plus élevés, et fait régner partout l'insécurité.
Il propose alors d'établir une taxe sur toutes les transactions financières, la taxe Tobin, une taxe imaginée par l'économiste et prix Nobel James Tobin. Pour la mettre en place, il imagine une organisation non gouvernementale, l'Association pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens (Attac), qui ferait dans tous les pays la promotion de l'idée de cette taxe.
Attac se développe
En pleine crise des marchés asiatiques, l'appel reçoit dans un premier temps un accueil plutôt favorable, mais dans les faits, aucun soutien réel, notamment politique ne viendra appuyer Attac qui va tout de même se développer dans 38 pays. En France, certains hommes politiques, des associations, des syndicats et des particuliers sont adhérents à l'association. Attac se dote d'antennes régionales, comme ici à Bordeaux dès décembre 1998.
Un an après sa création, Attac manifeste à Paris. Christophe Aguiton, responsable de l'association explique le credo d'Attac : "Il y a des choses qui ne vont pas dans l'évolution du monde. Le libéralisme conduit à des dégâts sociaux terribles pour tous les peuples, et nous voulons ensemble nous battre pour taxer les capitaux, la taxe Tobin et des taxations de ce type".
Des actions percutantes
En 2001, Susan George, vice-présidente du mouvement fait une conférence aux élèves de sciences économiques de Perpignan pour les sensibiliser aux manipulations économiques. Boostée par la récente prise de conscience mondiale, elle met beaucoup d'espoir dans la jeunesse pour venir à bout de l'hégémonie économique.
En 2001, le G8 se déroule à Gênes et les militants d'Attac manifestent au cri de "Genova libera".
En 2002, les anti-mondialistes remplissent le Zénith de Paris pour le plus grand plaisir de Bernard Cassen, le président d'Attac France et des invités, comme la comédienne Anémone ou Daniel Mermet, que l'on aperçoit au micro. Et tous rêvent d'un monde nouveau et égalitaire.
Un mois plus tard, à Porto Allegre, le Forum Mondial Social (FSM) ressemble quelques 40 000 personnes. Christophe Aguiton d'Attac déclare : "On progresse pour deux raisons : d'accord parce qu'ici on commence à se connaitre vraiment, il y a une complicité des mouvements sociaux qui a quelque chose de capital pour l'avenir, ensuite parce qu'on marque des points sur le fond". Des politiques de mouvance de gauche se sont aussi déplacés. Ainsi Noël Mamère affirme qu'il est "en train de se constituer ici ce que nous appelons la résistance citoyenne et on voit bien que les politiques sont en train de bouger, que ça fait bouger les lignes et les frontières". Mais Alain Krivine, plus critique déclare que "Moi je crois que si tous les ministres viennent maintenant ici, c'est l'hommage du vice à la vertu. C'est un tel succès ces manifestations antimondialisation, qu'ils sont obligés de venir acheter une petite vertu ici. C'est pas ça l'essentiel".
2005-2006 : le désamour et les doutes
2006 est une année difficile pour Attac France. Au début de l'année, Attac était considéré par le journal Le Monde comme étant "en perte d'influence auprès du mouvement altermondialiste". Une baisse des militants et de vives polémiques internes liées à une fraude électorale commise à l'occasion du renouvellement du conseil d'administration ternissent l'image de l'association.
La réélection de la direction en juin 2006 est entachée d'accusations de fraude électorale notamment portées contre son président Jacques Nikonoff. C'est une jeune dijonnaise de 27 ans, Aurélie Trouvé, qui devient co-présidente d'Attac France. Le mot d'ordre est désormais la collégialité. Après des comportements hégémoniques, l'association a perdu de son crédit. Elle espère remettre de l'ordre dans ce mouvement.
Cette crise interne, ainsi que les désaccords concernant les prises de position sur les élections européennes en faveur du "Non" lors du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe mettent un coup d'arrêt dans les effectifs. Bernard Cassen, président d'honneur d'Attac, commente ce résultat : "La Constitution Française est 15 fois moins grande que cela. Ce n'est pas réellement une constitution. Il y a des éléments constitutionnels et puis il y a un manifeste libéral..."
Un conseil scientifique reconnu
Dès l'origine, l'association s'est dotée en France d'un "conseil scientifique" indépendant. Il a été présidé successivement par deux professeurs d'économie, René Passet puis Dominique Plihon, avant d'être maintenant dirigé par une équipe de quatre coprésidents, Esther Jeffers, Aurélie Trouvé, Nicolas Haeringer et Jean-Marie Harribey.
En septembre 2009, Attac parodie le G20 qui débute alors à Pittsburgh, à travers une scénette de théâtre, jouée place du Palais Royal à Paris, pour critiquer l'inaction des dirigeants face à la crise financière et économique qui secoue le monde depuis 2008. Dominique Plihon, président du conseil scientifique d'Attac déclare que : "Le G20 est une sorte de mascarade, une mascarade parce qu'en fait il n'y aura pas de décision sérieuse de nature à vraiment réformer en profondeur la finance mondiale qui a déstabilisé nos économies et nos sociétés." Après avoir conseillé de se référer aux Nations Unies pour débattre des décisions, il décline les préconisations d'Attac : "Il faut stopper la spéculation en démantelant les paradis fiscaux, en s'attaquant fonds spéculatifs, et en interdisant ou en tout cas en contrôlant étroitement l'utilisation de certaines innovations comme la titrisation. Nous disons qu'il faut promouvoir les biens publics mondiaux. Nous pensons qu'on ne peut pas envisager aujourd'hui une évolution harmonieuse de la planète et de la mondialisation sans mettre en avant un certain nombre de biens et services qui doivent échapper à la finance et aux marchés, et ces biens publics mondiaux c'est quoi ? C'est l'éducation, la santé mais aussi le climat, l'eau, le savoir."
En mai 2010, après la crise financière mondiale, les plans de rigueur se développent dans de nombreux pays. Dans le 13h00, Elise Lucet reçoit Thomas Coutrot, économiste, le co-président d'Attac en France pour qu'il analyse les mécanismes de cette crise et les conséquences pour l'Euro.
Ce comité organise notamment des universités d'été dont voici quelques exemples : La Ciotat en 2000, Arles en 2001 ou à Poitiers, en 2006 en présence de Ségolène Royal.
Pour aller plus loin
Présidents d'Attac France :
Bernard Cassen (1998-2002)
Jacques Nikonoff (2002-2006)
Aurélie Trouvé et Jean-Marie Harribey, coprésidents (2006-2009)
Aurélie Trouvé et Thomas Coutrot, coprésidents (2009-2013)
Présidents d'honneur : Ignacio Ramonet, Bernard Cassen, Susan George
Porte-parole :
Geneviève Azam, Thomas Coutrot et Dominique Plihon (2013-2016)
Dominique Plihon, Raphaël Pradeau et Aurélie Trouvé (2016-2019)